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notes
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AQUARELLES et DESSINS de BONNARD, CÉZANNE, CROSS etc.

Il faut distinguer deux sortes de dessins. Il y a, d’une part, ceux que l’artiste exécute en vue de son propre travail, où il fixe un détail, où il essaie des combinaisons de lignes et de masses. Mais à côté de ces documents intimes, il y a des dessins destinés dès l’abord au public : trois crayons et sanguines poussées, aujourd’hui remplacés le plus souvent par des sortes de schémas où l’artiste tâche de résumer ce qu’il y a de plus personnel dans sa vision. Ce sont des documents de combat.

Selon qu’ils appartiennent à l’une ou l’autre de ces grandes catégories, les dessins révèlent de manière tout opposée la sensibilité du peintre. Dans les premiers, s’exaltent ses particularités les plus voulues, dans les autres se trahissent ses plus involontaires. Il y a, entre ces deux genres, la même différence qu’entre les mémoires écrits pour une proche postérité, quand ce n’est pas pour des contemporains, et les notes ou correspondances qu’un éditeur arrache au secret et à la pudeur d’amitiés ou de passions privées.

Cette distinction peut aider à voir clair dans l’ensemble de dessins qu’expose la galerie Druet, œuvres souvent très rapprochées, mais qui, par leur concision même, rendent les divergences des tempéraments plus déroutantes. Les fermes dessins de M. Piot sont manifestement des études destinées à être repérées sur l’enduit de la fresque ; tandis que ceux de M. Bonnard ou de M. Rouveyre n’aspirent point à prolonger par la peinture l’amusement ou l’horreur qu’ils nous font éprouver.

Quoi de plus opposé que les lignes grasses où M. Maillol enferme ses figures, et l’élégance racée qui apparaît dans celles de M. Roussel ? Ne semble-t-il pas que dans l’un, revive la tradition des Puget et des Rude, tandis que l’autre renouvelle la grâce heureuse des Clodion et des Carpeaux ? — Mentionnons encore, tout au moins, les beaux dessins de M. Manguin où l’aisance et l’autorité sont plus décisives peut-être que dans ses toiles, et les aquarelles de M. Cross,