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NOTES


GEORGES SEURAT. — Ceux qui ont aimé Seurat et l’ont suivi de lutte en lutte pouvaient déjà se douter qu’il imprimerait à la peinture la marque qu’y laissent les maîtres. Aujourd’hui, ils en ont la certitude. L’exposition ouverte chez Bernheim la leur apporte, nette.

De ces œuvres rassemblées à cette heure, se dégage la sérénité. Et tout d’abord, elles font preuve d’une telle conscience, d’une probité si entière, que la confiance se donne, immédiatement. Certes, a-t-il fallu au peintre un long et lucide travail intérieur pour faire servir la théorie nouvelle qui lui est demeurée chère, à un aussi tranquille et parfait résultat, et fallut-il encore qu’il eût le respect profond et comme littéral des choses qu’il voyait, pour nous inspirer à son tour, un entier respect, en face des traductions qu’il nous en laisse.

Il est certains de ses paysages qui donnent comme un sens nouveau à l’idée que nous nous faisons de la pureté, de la fluidité et de la fraîcheur. Ses personnages qui, logiquement, grâce à la conception qu’il se faisait de l’art, ne pouvaient manquer de revêtir une sorte d’hiératisme, nous paraissent se mouvoir avec des gestes si définitifs et si confidentiels de leur caractère, que ceux-ci semblent fixer, non pas un instant dans la durée, mais la fonction même des hommes dans leur quotidienne existence. Ainsi, dès qu’on disserte sur un tel art, immédiatement, on touche à l’essentiel.

Oui, qu’on s’attarde et qu’on admire les dessins, mais que surtout, on se tourne vers les peintures. Elles seules, définissent Georges Seurat. C’est grâce à elles que vraiment il apparaît : un peintre religieux.

Émile Verhaeren.