78 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE
de devoir partir avant de lui avoir parlé me poussa jusque dans sa chambre peu d'instants avant le dîner ; elle met- tait un collier de corail et pour l'attacher levait les bras et se penchait, tournant le dos à la porte et regardant, par dessus son épaule, dans un miroir entre deux flam- beaux allumés. C'est dans le miroir qu'elle me vit d'abord et qu'elle continua de me regarder quelques instants, sans se retourner.
— Tiens ! Ma porte n'était donc pas fermée, dit-elle.
— J'ai frappé — tu n'as pas répondu. Alissa — tu sais que je pars demain ?
Elle ne répondit rien mais posa sur la cheminée le collier qu'elle ne parvenait pas à mettre. Le mot : fian- çailles me paraissait trop nu, trop brutal ; j'employai je ne sais quelle périphrase à la place. Dès qu'Alissa me comprit, il me parut qu'elle chancela, s'appuya contre la cheminée... mais j'étais moi-même si tremblant que craintivement j'évitais de regarder vers elle.
J'étais près d'elle et sans lever les yeux lui pris la main; elle ne se dégagea pas, mais inclinant un peu son visage et soulevant un peu ma main, elle y posa ses lèvres et murmura, appuyée à demi contre moi :
— Non, Jérôme ; non ; ne nous fiançons pas, je t'en
prie Mon cœur battait si fort que je crois qu'elle le
sentit ; elle reprit plus tendrement : — Non ; pas en- core...
Et comme je lui demandais :
— Pourquoi ?
— Mais c'est moi qui peux te demander : Pourquoi — pourquoi changer ? —
Je n'osais lui parler de la conversation de la veille, mais
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