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LA PORTE ETROITE 77

de rentrer. Et tout aussitôt nous quittant, elle s'en re- tourna d'un pas rapide, vers la maison.

— Elle a entendu tout ce que nous disions, s'écria Juliette dès qu'Alissa se fut un peu éloignée.

— Mais nous n'avons rien dit qui puisse la peiner. Au contraire...

— Laisse-moi, dit-elle en s'élançant à la poursuite de sa sœur.

Cette nuit, je ne pus dormir. Alissa avait paru au dîner, puis s'était retirée aussitôt après, se plaignant de migraine. Qu'avait-elle entendu de notre conversation ? Et je me remémorais inquiètement nos paroles. Puis je songeais que peut-être j'avais eu tort, marchant trop près de Juliette, d'abandonner mon bras autour d'elle ; mais c'était habitude d'enfant; et maintes fois déjà Alissa nous avait vus marchant ainsi. Ah ! triste aveugle que j'étais, cherchant mes torts en tâtonnant, de ne savoir songer un instant que les paroles de Juliette, que j'avais si mal écoutées et dont je me souvenais si mal, Alissa les avait peut-être mieux entendues. N'importe ! égaré par mon inquiétude, épouvanté à l'idée qu'Alissa pût douter de moi et n'imaginant pas d'autre péril, je me résolus, malgré ce que j'en avais pu dire à Juliette, et peut-être impressionné par ce qu'elle m'en avait dit, je me résolus à vaincre mes scrupules, mon appréhension et à me fiancer le lendemain.

C'était la veille de mon départ. Je pouvais attribuer à cela sa tristesse. Il me parut qu'elle m'évitait. Le jour passait sans que j'eusse pu la rencontrer seule ; la crainte

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