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la porte étroite
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sanglotant subitement. Mais je m'occuperai du ménage — et enfin ni toi, ni ton oncle, ni Alissa n'aurez à vous sentir gênés.


Ma tante Félicie s'abusait sur l'efficacité de sa présence. A vrai dire nous ne fûmes gênés que par elle. Ainsi qu'elle l'avait annoncé elle s'installa, dès Juillet, à Fongueusemare où Miss Ashburton et moi ne tardâmes pas à la rejoindre. Sous prétexte d'aider Alissa dans les soins de la maison, elle emplissait cette maison si tranquille d'une rumeur continue. L'empressement qu'elle mettait à nous être agréable et, comme elle disait, à “faciliter les choses”, était si épais que nous restions le plus souvent Alissa et moi contraints et quasi muets devant elle. Elle dut nous trouver bien froids... — Et quand nous ne nous serions pas tus, aurait-elle pu comprendre la nature de notre amour ? — Le caractère de Juliette, par contre, s'accomodait assez de cette exubérance ; et peut-être quelque ressentiment gênait-il mon affection pour ma tante, à la voir manifester pour la cadette de ses nièces une prédilection très marquée.

Un matin, après l'arrivée du courrier elle me fit venir :

— Mon pauvre Jérôme, je suis absolument désolée ; ma fille est souffrante et m'appelle ; je vais être forcée de vous quitter...

Gonflé d'inutiles scrupules j'allai trouver mon oncle, ne sachant plus si j'oserais rester à Fongueusemare après le départ de ma tante. Mais dès les premiers mots :

— Qu'est-ce que ma pauvre sœur vient encore imaginer pour compliquer les choses les plus naturelles. Eh ! pourquoi nous quitterais-tu, Jérôme ? s'écria-t-il. N'es-tu pas déjà presque mon enfant ?