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la nouvelle revue française

flamme aigüe où le cœur d'Alissa et le mien s'épuisaient. Tous deux nous avancions, vêtus de ces vêtements blancs dont nous parlait l'Apocalypse, nous tenant par la main et regardant un même but... Que m'importe si ces rêves d'enfant font sourire ; je les redis sans y changer. La confusion qui peut-être y paraît n'est que dans les mots et dans les imparfaites images pour rendre un sentiment très précis. —

Il en est peu qui la trouvent” achevait le pasteur Vautier. Il expliquait comment trouver la porte étroite... — “Il en est peu...” — Je serais de ceux-là...

J'étais parvenu vers la fin du sermon à un tel état de tension morale, que, sitôt le culte fini, je m'enfuis sans chercher à voir ma cousine — par fierté, voulant déjà mettre mes résolutions (car j'en avais pris) à l'épreuve et pensant la mieux mériter en m'éloignant d'elle aussitôt.

II

Cet enseignement austère trouvait une âme préparée, naturellement dispose au devoir, et que l'exemple de mon père et de ma mère, joint à la discipline puritaine à laquelle ils avaient soumis les premiers élans de mon cœur, achevait d'incliner vers ce que j'entendais appeler : la vertu. Il m'était aussi naturel de me contraindre qu'à d'autres de s'abandonner, et cette rigueur à laquelle on m'asservissait, loin de me rebuter, me flattait. Je quêtais de l'avenir non tant le bonheur que l'effort infini pour l'atteindre, et déjà confondais bonheur et vertu. Sans doute, comme un enfant de quatorze ans, je restais encore