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l'image de la grèce
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seule statuaire” ; l'architecture nous échappe, et, sauf le seul Parthénon, “arche qui s'ouvre sur le monde idéal”, les monuments ne sont que de fausses ruines, des ruines stérilisées, propres à faire regretter celles qu'imaginait Hubert Robert. Laissons donc à l'archéologie ce qui n'appartient qu'à l'archéologie. Impuissants à restituer même ce qui fut un décor immobile, ne nous flattons point d'imaginer avec exactitude la vie quotidienne, les costumes, les mœurs, les âmes d'autrefois. Reprenons en toute liberté, sans souci de couleur locale, la tradition de Ronsard, de Poussin et de Racine, des XVIe et XVIIe siècle, “où l'antiquité littéraire se soudait à la vie moderne, et continuait à vivre”. — Tout ceci me parait bien dit et bien pensé ; mais pour avoir dévié depuis le romantisme, la tradition s'est-elle vraiment interrompue ? J'ai rapporté les jugements sévères de Louis Bertrand sur André Chénier, sur Leconte de Lisle, et leurs successeurs. Ne convient-il pas de leur être plus indulgent ? Ne subsiste-t-il rien de leur labeur ? Sous le couvert d'une reconstitution illusoire, n'ont-ils pas réalisé tout autre chose : de nouvelles variations sur un vieux thème, une création véritable, à laquelle la Grèce ancienne servit seulement de prétexte et d'appui ? En croyant toujours plus se rapprocher des Grecs, il se peut bien qu'ils s'en soient éloignés, qu'ils aient lâché la proie pour l'ombre, et l'essence même de la vie antique