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l'enfant prodigue
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où se voit le sceau de la fatalité ? — Hélas, le village ne dit rien, ou peu de chose. A peine quelques femmes remarquèrent-elles que “le nouveau berger n'a pas l'air si sérieux que l'ancien.”

Alors, quoi ? Vivre dans cette misère sans même qu'on l'admirât ou qu'on le plaignit ? Et ces carouges ! Il réfléchit, n'ayant pas mieux à faire, et soudain il comprit la vanité de son existence. La vie lui apparut sous un jour nouveau, avec des devoirs, avec un bonheur possible. Il ne faut pas attendre un résultat de chaque petit effort, mais persévérer dans notre effort. Plus nous aurons de peine, et plus la victoire nous sera agréable.

Ayant tout pesé, il rendit la trompette et partit. Ce fut un soir ; en route un orage éclata, et l'Enfant fut content. Bien qu'il eût décidé d'accepter la vie telle quelle, avec sa simplicité journalière, il n'était pas fâché d'avoir un retour un peu romantique. Et c'était réussi : une nuit massive, le vent en tourbillons sonores, la pluie en nappes, l'eau coulant en torrents dans les fossés. Puis son entrée dans la maison, lamentable, ruisselant, trempé jusqu'à l'âme. Puis enfin le bonheur du père, les larmes de la mère. Le frère, toujours simple, dit :

— Tu choisis bien ton temps pour voyager !


Les vingt années de sa jeunesse étaient blotties dans les coins de la salle ; l'horloge mesurait le temps comme autrefois et le détaillait en tic-tacs amicaux. Il fallut raconter les années de folie. Comme c'était passé, cela ! N'est-ce-pas, nous n'en reparlerons plus. Ç'aura été un voyage dans un