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NOTES 99

semble n'écouter d'autre rythme que le battement de son cœur. Sa métrique ne rappelle rien, sinon peut-être l'élan étrange et le bondissement passionné des meilleurs poëmes de Verhaeren.

Jules Romain a composé très délibérément son livre, dont les parties se font face et se répondent et d'où se dégage une acceptable et noble philosophie. Pour rendre plus sensible encore le lien qui relie, pièce à pièce, les éléments subordonnés de ce volume, titres ou épigraphes des poëmes reprennent un vers ou un fragment de vers d'un des poëmes précédents. Je pense qu'il est permis au lecteur d'apprécier chaque pièce de ce livre prise à part, et certaines sont en elles-mêmes d'une beauté presque achevée — mais, pour artificiel que paraisse parfois ce travail de composition au point de chaînette, je ne saurais avoir pour le souci qu'il implique trop de louanges ; ne pas préférer toujours l'agréable, vivifier profondément ce que, par moindre effort, on eut laissé négligemment flétrir, tels sont les premiers effets de ce besoin de coordonnance ; de plus le sujet même du livre comportait cette dépendance et cette subordination, chaque poëme aspirant à se fondre dans la masse du livre, comme l'auteur se fond dans cette Vie unanime qui le fait écrire :

Je cesse d'exister tellement je suis tout.

C'est là le sujet du livre ; c'en est du moins l'émotion centrale ; et non point un évanouissement oriental et nirvanique dans le " néant divin ", bien qu'en un vers charmant Jules Romains écrive :

Je ne pèse pas même autant que la clarté.

Mais cet accent délicat est assez exceptionnel dans son œuvre... non, c'est dans la foule agissante que son indivi- dualité se résorbe, dans le mouvement organique de la vie.

Nous voulons librement que l'on nous asservisse ; Avoir un dieu vaut plus qu'avoir la liberté. Nos âmes qu'on a mis tant de jours à sculpter Et que des ornements somptueux enrichissent

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