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2 LE CARNET DES ÉDITEURS

Maurice Barrés : TAINE ET RENAN, pages perdues, recueillies et commentées par Victor Giraud '.

Brunetière remarquait assez justement que les hommes de sa génération n'ont progressivement conquis leur originalité que dans la mesure où ils ont su s'affranchir de l'influence de Renan et de Taine. La remarque, certes, vaut pour Brunetière lui- même. Elle est juste encore pour Faguet, pour Bourget, pour Jules Lemaître, peut-être pour France et pour Loti. Mais elle est juste, pour ainsi dire, obscurément. C'est en pleine conscience au contraire que Barrés s'en prend à Renan et à Taine, les ana- lyse, les décrit complaisamment, ou brusquement fonce sur eux. Jamais les rapports d'un homme de génie avec ses premiers maîtres ne nous avaient été présentés avec plus de franchise et de liberté que dans ces articles de journaux, parus à diverses époques, et que M. Victor Giraud a su réunir, enchaîner et — s'il est possible — animer encore.

Ces rapports n'ont pas été simples. Sans doute peu. on dire que Maurice Barrés reçoit d'abord de Renan le goût du dilet- tantisme, la piété sans la foi, de Taine le goût de la décentrali- sation, le respect de la tradition nationale, la passion de l'éner- gie ; de tous deux la confiance qu'il place dans les sciences, l'amour de l'étrange ou du singulier. Autant de choix et de ten- dances que le jeune écrivain n'aurait pas eus au même degré s'il n'avait commencé par se convertir les livres de Taine et de Renan « en sang et en nourriture ». Cependant les années pas- sent, et Huit jours che\ M. Renan paraît en librairie, tandis que M. Taine en voyage n'est pas achevé, en tout cas n'est pas publié. C'est que la gravité morale dont Taine donne des preuves crois- santes en impose de plus en plus à Barrés, qui se détourne d'un souriant dilettantisme. Il n'est rien de plus curieux que de comparer les articles sur la mort de l'un et de l'autre de nos « derniers grands penseurs ». Et l'on n'a pas oublié avec quelle âpreté Barres a défendu Taine contre les critiques d'Aulard. Cette évolution qui le détourne de plus en plus de Renan va- t-elle s'accentuer encore ? M. Giraud l'affirme, mais n'a-t-il pas compté sans le Jardin sur l'Oronte ?

i. Un vol. in-16 : 5 fr. 40. Editions Bossard, 43, rue Madame.

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