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NOTES 75

Bérulle. Et puisqu'il s'agit spécialement pour nous, en l'occur- rence, de l'expression littéraire du sentiment religieux, citons un court fragment de méditation emprunté aux œuvres du même auteur. Il a trait au mystère de l'Incarnation, au moment où la Vierge donne son acquiescement : « Fiat » à l'Ange annonciateur :

Si jamais j'ai révéré la Vierge, dans le cours précédent de sa vie, de ses pensées et de ses désirs, je la révère beaucoup plus en ce moment, en cette élévation, en cette disposition en laquelle elle pro- fère cette parole. Lorsqu'elle la prononce, elle entre dans un état nouveau opéré en elle et non par elle. Elle est lors non en un mouve- ment, mais en un repos, car elle est tranquille ; non en un repos, mais en un mouvement, car elle tend à Dieu et y tend par une vigueur et vivacité admirables. Elle est en un mouvement céleste, en un repos divin : en un mouvement qui est repos et en un repos qui est mouvement.

Ainsi, la grâce de l'Incarnation « ne nous donne pas à con- naître le Fils de Dieu seul, mais le Fils de Dieu avec sa Mère ; ne nous lie pas au Fils de Dieu seul, mais au Fils de Dieu et à sa Mère tout ensemble... » et dans l'hymne de joie de la Vierge portant Jésus « cette parole de la Vierge me semble, dit Bérulle, être la parole de Jésus et de la Vierge tout ensemble; et c'est pourquoi cette parole tire et ravit à Jésus et à la Vierge conjointement. »

Citons encore cette louange de l'amour (à propos de Marie- Madeleine) :

Amour qui n'a besoin d'entretien et sentiment aucun; amour qui subsiste par voie d'être et non par voie d'entretien, d'exercice et d'opération ; amour qui, comme ces feux célestes, se conserve en son âme comme en son élément sans mouvement et sans pâture ; au lieu que les feux terrestres sont en mouvement perpétuel et ont besoin d'aliment pour être conservés et entretenus ici-bas, comme en un lieu qui leur est étranger.

Ce style n'est pas pur, mais naïf et accentué ; il est neuf en son temps (les premières années du xvn e siècle) ; il influencera tous les Pères de l'Oratoire. « En leur apprenant, écrit M, Bré- mond, à fixer leur esprit et leur cœur sur de hauts mystères, le fondateur de l'Oratoire a déshabitué ses disciples de la gros- sièreté et de la boursouflure ; il lésa conduits aux vraies sources

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