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74 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

semble-t-il, utile à entreprendre et M. Henri Brémond fut donc bien inspiré en y songeant. Mais il nous donne plus et mieux qu'un inventaire : il tire des livres même, aujourd'hui introu- vables, des citations tellement abondantes qu'elles constituent une sorte d'anthologie où il sera permis de puiser indéfiniment. A chaque page l'œuvre éclaire et complète l'homme et l'histo- rien montre ici tant d'amour qu'il risque de mécontenter les diverses écoles spirituelles dont il écrit patiemment l'histoire par l'éloge qu'il fait successivement de chacune. Quand il manifeste une préférence pour telle ou telle, ce qui arrive quelquefois, on se demande si elle sera définitive et si une préférence plus marquée ne viendra pas soudain amoindrir ou même annuler la première. Il a l'esprit de sympathie poussé jusqu'à ce point extrême. Aussi est-il traité par quelques-uns de «dilettante», ce qui en matière spirituelle n'est pas toujours un compliment. Béni cependant ce dilettantisme qui nous vaut un ouvrage si considérable et si précieux.

Après l'étude de 1' « humanisme dévot » et de 1' « invasion mystique », voici celle de la « conquête mystique » et tout d'abord dans YEcole française fondée par le cardinal de Bérulle (de l'Oratoire), continuée par saint Vincent de Paul, Charles de Condren, M. Ollier et les Sulpiciens, le Père Eudes et la Sœur Marie des Vallées, tous écrivains et fort bons écrivains, comme bientôt Grignon de Montfort. L'examen de la doctrine bérullienne que M. Brémond oppose à la doctrine ignatienne, celle du fondateur de la Compagnie de Jésus, dépasse notre compétence et les limites de ce compte-rendu. Il suffira de noter que la première, selon notre auteur, placerait à l'origine de toute vie spirituelle l'acte d'adoration, l'adhérence aux vertus du Verbe Incarné, tandis que la seconde proposerait d'abord la discipline de la volonté pour atteindre aux mêmes vertus ; l'une « anthropocentrique », l'autre « théocentrique » ; l'une plus mystique, l'autre plus humaine. Exagérez celle-là, vous avez le quiétisrne ; poussez à bout celle-ci, vous rejoignez le stoïcisme. La vérité — diverse — est entre deux. En somme 1' « ascèse » dans l'école française se résume assez bien ainsi : « Nous devons plus aimer la patience et la débonnaireté, parce qu'elle nous conforme à Jésus-Christ doux et patient, que parce qu'elle nous rend doux et patients. » Dixif le cardinal de

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