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NOTES 75 5

une exception singulière au xix e siècle ; sa prose est presque une prose du xvn e siècle ; et ses limites sont les limites du xvii e siècle, et tout à fait différentes de celles de l'école de Walter Pater.

En présence d'un écrivain dont l'œuvre est encore en pro- cessus de formation, il est difficile de dire s'il constituera un cas isolé comme M. Doughty ou s'il deviendra l'ancêtre d'une époque comme Walter Pater. Les écrits de M. Wyndham Lewis s'offrent à nous aujourd'hui dans cet intéressant état d'ambi- guïté. Je ne vois pas d'écrits contemporains au sujet desquels on puisse établir une comparaison avec ceux de M. Lewis ; j'ai vu cependant certains livres, surtout américains, dont le mérite — s'ils en possédaient un véritable — se rapprocherait du genre de mérite que l'on rencontre chez M. Lewis.

La prose de Wyndham Lewis se trouve ressembler à la prose d'une époque encore antérieure à celle qui est sympathique à M. Doughty. Ce dont elle se rapproche le plus, ce sont les pro- sateurs, non du xvn e siècle, mais de la fin du xvi e , tels que Thomas Nashe, certains traducteurs du temps, et les auteurs des Martin Marprclate tracts. Cette prose a une abondance, une vigueur, une vitalité pleine de signification, une force vitupé- rative dont je ne vois pas ailleurs les équivalents. L'usage que M. Lewis fait des mots rappelle la façon dont ceux-ci affluent à un Falstaff. J'ai dit tout à l'heure « se trouve ressembler » parce que je suis sûr que M. Lewis n'a jamais particulièrement étudié les écrivains en question. Dans son premier roman, Tarr, l'influence de Dostoïevsky est visible et prépondérante. Mais la « partie Dostoïevsky » du livre, bien qu'exécutée brillamment et avec originalité, n'est pas vraiment représentative de M. Lewis ; l'autre élément présent dans l'ouvrage, et qui ne se raccorde nullement au précédent, relève de cet humour anglais, si sérieux et sauvage, auquel Baudelaire consacra naguère une brève étude. Lewis est très en sympathie avec Hogarth, Row- landson et Cruikshank ; comme il est avant tout un peintre, son imagination est avant tout visuelle. Il possède quelque chose de cet humour que l'on rencontre chez Dickens (lui aussi un écrivain visuel) lorsque Dickens est humoristique et non délibérément comique. Mais un répertoire d'analogies ne saurait en rien fournir une formule pour le style de M. Lewis,

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