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notes 743

SILBERMANN, par Jacques de Lacretelle (Editions de la Nouvelle Revue Française).

M. Jacques de Lacretelle, en chargeant son Silbermann de tous les vices et de toutes les vertus d'Israël, s'exposait à peindre le Juif, et non un juif, et il faut admirer d'abord que ce chétif Silbermann à la fois téméraire et craintif, rampant et dominateur, propre aux idées comme au négoce, athée et fana- tique, fin et sans tact, passionné de culture française et détaché de la France, nous paraisse aussi vivant que tel petit israélite avec qui. au jardin public, nous hésitions à jouer. Il existe désormais autant que l'adolescent huguenot qu'il a circonvenu. Celui-ci, M. de Lacretelle a bien vu qu'aucune tendresse ne devait l'attacher à Silbermann : il subit d'abord la domination d'un camarade qui lui ouvre le monde des idées ; le levain juif travaille ce jeune esprit latin. Mais, à cet âge, l'intelligence seule ne saurait fonder une amitié. Il fallait que Silbermann fût per- sécuté pour que le petit protestant goûtât en sa compagnie le plaisir d'être héroïque. Rien de si fréquent à cet âge que l'attrait du martyre, qui est d'abord le besoin de se séparer du commun. Ce jeune chrétien accoutumé à l'examen de conscience, sou- cieux de perfection intérieure, nous acceptons donc qu'il se donne tout entier à la défense du juif honni et lapidé.

L'auteur nous montre-t-il son héros chrétien assez souffrant de la perte d'amitiés qui lui étaient chères ? De ce côté-là, il nous semblait que dût se prolonger le drame ; mais c'est dans la famille du collégien que M. de Lacretelle a mieux aimé en suivre le retentissement. Ne le lui reprochons pas : quand le critique écrit lui aussi des romans, il incline à juger une œuvre d'après le livre qu'instantanément il compose sur les données que lui fournit l'auteur. Sans doute, dès que nous apprenons que le lycéen protestant est le fils d'un juge d'instruction, nous nous doutons bien que le louche père de Silbermann tombera sous la coupe de ce magistrat. C'était la situation un peu trop facile à trouver (analogue au puisque mon père est l'offensé et l'offenseur le père de Chimène). Mais M. de Lacretelle a sans doute eu raison de ne point chercher ailleurs : la vie est faite de ces coïncidences et celle-ci lui a permis d'amorcer l'autre drame de son récit, qui est cette découverte dont nous fûmes

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