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736 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

berait assez mal. C'est une contribution, fort intéressante et fort utile, à l'histoire du romantisme français. Il serait à sou- haiter que le mouvement romantique devînt de moins en moins un sujet de dispute et de plus en plus un sujet d'his- toire. Cela accorderait ses amis et ses ennemis, ses amis parce que ce serait une manière de le mieux connaître, ses ennemis parce que cela serait une façon de le classer, de l'enterrer, de le ramener à une matière d'érudition objective. Des caractères un peu effacés, dociles, passifs, comme celui de Deschamps, nous mettent dans le courant d'une époque, permettent d'en décrire sinon la région éthérée, du moins l'atmosphère infé- rieure. Emile Deschamps fut un employé de ministère qui vécut quatre-vingts ans, eut une vie fort simple, fit ce qu'on pouvait attendre en son temps d'un homme qui produisait honorablement de la littérature, se créa une petite spécialité en mettant en vers français de pâles traductions en prose d'au- teurs étrangers. On en conclut un peu ambitieusement qu'il nous avait fait connaître les poètes de l'Espagne, de l'Angle- terre, de l'Allemagne. Mais lui-même ne conclut rien de tel, car c'était un homme fort lucide, intelligent, de beaucoup d'esprit et de goût. Et M. Henri Girard le conclut encore moins. Il nous montre fort bien ce qu'on entendait vers 1830 par les influences étrangères, la faible mesure dans laquelle elles se sont mêlées au courant indigène du romantisme fran- çais. Son livre est le second qui paraisse dans la Bibliothèque de littérature comparée, dirigée par MM. Baldensperger et Hazard, et c'est bien à un problème de littérature comparée (je serais presque tenté d'employer le mot d'inter-littérature) qu'il apporte une contribution.

��ALBERT THIBAUDET

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��BIEN MANGER POUR BIEN VIVRE, essai de gastro- nomie pratique, par Edouard de Pomiane (Albin Michel).

Ce n'est pas un hasard si le mot de goût est commun aux jugements que provoquent l'art de la littérature et l'art de la cuisine. Les Goncourt comparent Taine à un chien de chasse qui pratique admirablement son métier, mais qui n'a pas de nez. C'est évidemment injuste. Mais les livres et les choses de la

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