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LE FLEUVE DE FEU 713

jouait au tennis : on trouverait bien deux raquettes. Le jeu allume les jeunes corps comme des torches... et il l'ima- gina brûlante sur le court, se leva, emplit d'eau son verre à dents, avala un comprimé d'aspirine, attendit le sommeil.

Le lendemain, la place de Mademoiselle de Plailly, au restaurant, demeura vide. Daniel sut par la grande hari- delle de service que la jeune fille était à Lourdes pour la journée. Il se réjouit de ce répit comme d'une halte dans une descente indéfinie. Il n'était plus impatient de toucher le fond. C'était assez d'en respirer le relent. Désormais, comme le coup de grâce, il attendait de voir la Villeron. Le seul aspect de cette femme l'éclairerait mieux qu'aucune enquête. Après cette épreuve, tout serait consommé. Alors il ne négligerait plus de cueillir ce fruit véreux, Gisèle ! Il ne quitterait l'hôtel qu'il ne l'ait mordu puis rejeté. Après la matinée brumeuse, un jour de feu l'étour- dissait, l'accablait dans l'herbe drue et juteuse entre la route de Saint-Savin et le gave. Cette intrigue dénouée, il s'efforçait d'imaginer son retour à Paris, les affaires et les amours que lui proposerait Courrège. Mais ce rongeur ne se pouvait détacher de la passion où il usait ses dents. Il n'avait jamais su interrompre une histoire. De même qu'enfant, il dévorait les livres, en secret rallumait sa bougie, la nuit, ne s'accordait de repos qu'il n'eût épuisé le dernier chapitre, aujourd'hui il humait tout amour jusqu'à la lie. Daniel appliquait en amour la règle carté- sienne d'être le plus ferme et le plus résolu en ses actions qu'il pouvait. Jamais il ne revenait sur ses pas.

Le jour où, par un colloque des Pédebidou, il apprit que M me de Villeron arriverait le lendemain, Daniel alla vers le gave. Comme un cœur malade, l'appel aux vêpres battait dans ce dimanche accablant. Les traînées jaunes des renon- cules décelaient de secrètes eaux à travers les prairies crépi- tantes. Sur l'herbe, au bord du gave, le jeune homme vit des taches rouges, bleues et blanches qui étaient le linge,

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