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672 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

Etais-je vraiment assez stupide [se disait-il] pour croire, sur sa simple assurance, qu'elle avait la moindre tenue. Je m'attache à la première femme à qui je plais, qui me regarde et m'admire. Je ne demande qu'à croire tout ce qu'elle dit. Il en rougissait maintenant jusqu'aux oreilles.

— Josepha en vaut une autre, dit Bonnin, l'année der- nière...

Mais Voyle l'arrêta :

— Je te vois venir, mon garçon, dit-il.

— Que veux-tu faire ici ? dit Bonnin. Tu sais bien toi- même qu'il n'y a rien à faire. Il n'y a pas une femme. Est-ce que tu espères encore des aventures, hein ? .

Et il se mit à rire ; puis il se leva de table, agacé.

Les deux autres le suivirent. Dans la grand'rue devant l'église, la vieille Mademoiselle Périnaud, péniblement, baissait la devanture en tôle de sa boutique poussiéreuse. A l'intérieur, une seule bougie éclairait le triste étalage de bocaux et de pièces d'étoffes.

— C'est la seule femme que j'aie jamais vu ici, dit Bonnin.

— Je finis par croire qu'on nous les cache, dit le grand Voyle avec découragement.

Ils arrivèrent sur la place carrée. Là il y avait quelques lumières et la légère animation des premiers soirs de cha- leur. La musique tournante et enrouée d'un phonographe dans un café. Des gens, assis devant leur porte, causaient en regardant les étoiles. Quelques jeunes gens tournaient en fumant. Au premier étage du café glacier la salle où se réunissaient d'ordinaire les instituteurs était éclairée et l'on voyait passer les ombres des joueurs de billard.

Allait-on monter les rejoindre, tandis que la belle nuit de campagne était là toute proche. Du côté des abreuvoirs on entendait vaguement les crapauds flûter. La lune brillait sur le gravier entre les arbres des Grandes Allées. On ima- ginait des promenades, des rencontres, mais cette fois les

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