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RÉFLEXIONS SUR LA LITTÉRATURE 6$

honorable. Mais, comme le remarque M. Léon Werth dans son dernier livre, le Monde et la Vitle, « les enfants n'imaginent pas que leurs maîtres vivent d'autres heures que les heures de classe » . Ou bien, s'ils sont poètes, ces autres heures ne sont que la page blanche couverte des plus fantastiques dessins par leur imagi- nation débridée. Précisément parce que ces collégiens ignorent tout du Père Ebé en dehors de sa classe, de son trajet quotidien entre son domicile et le lycée, la boule de neige peut rouler librement. Ils en font le héros de toutes les aventures possibles, mais aventures toujours déterminées par son physique, par un poids de gros homme, par une gidouille puissante, par une capacité indéfinie d'absorption qui se confond avec la capacité d'absorption de la légende elle-même.

M. Charles Morin a donné là-dessus de précieux renseigne- ments à M. Chassé : « Le P. H. qui ne vit que d'assassinats et de rapines, habite une espèce de cassine au-dessous de laquelle sont des caves immenses où il empile ses richesses volées. C'est la chambre à sous. De temps en temps il est croche par la police et mis au violon...

» Le P. H. traîne derrière lui une immense poche assujettie au moyen de bretelles. Il remorque cette poche à travers les rues et y empile pêle-mêle les fruits de ses déprédations, les restes déchiquetés de ses victimes et de tous les détritus dont il fait son ordinaire (vieux godillots, chiens crevés et charognes de toutes sortes).

» Tous les ans, à époque fixe, le P. H. s'offre le régal d'une tourte composée d'ordures de toute sorte, détritus organiques, merdes, épluchures, etc., dans lesquelles on fait mariner quelque temps des cadavres de petits enfants zigouillés ad hoc. Cette infamie se passe dans un terrain vague du côté du Fau- bourg de Nantes où est dressée une immense tourtière (c'est tout simplement un gazomètre chapardé à la Compagnie du Gaz).

» Les rentiers sont les souffre-douleurs du P. H. Ils ne peu- vent pas résilier leur état de rentier, pas plus que les Curiales du Bas-Empire ne pouvaient cesser d'être Curiales. Non con- tent de les piller, le P. H. les soumet à toutes les vexations dont la moindre est de les déçerveler à tort et à travers. Ils sont accoutrés d'un costume grotesque (souliers à boucles, bas

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