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666 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

Ailleurs : « Mon credo en art : l'enfance. Arriver à la rendre sans aucune puérilité (cL J. A. Rimbaud), avec sa profondeur qui touche les mystères. Mon livre futur sera peut-être un perpétuel va-et-vient insensible du rêve à la réalité: «Rêve», entendu comme l'immense et imprécise vie enfantine planant au-dessus de l'autre et sans cesse mise en rumeur par les échos de l'autre 1 . »

Fournier instinctivement se solidarise avec ses percep- tions les plus inintellectuelles, mais en même temps les plus constructives ; il veut conserver comme principal moyen de connaissance — et de création — ce regard de l'enfant qui prélève les plus impondérables éléments du monde et aussitôt les réagence, les combine merveilleuse- ment, jusqu'à pouvoir loger dans le château qu'il enlorme tout ce que l'âme petite et pesante, par derrière, et souffre et désire.

Son irréalisme est foncier ; il en ferait presque un système déjà; mais non; c'est vraiment sa nature qui s'éveille et se trouve d'emblée tout occupée à l'illusion : « Je trouve que ce qui est difficile, c'est beaucoup plus de se donner partout l'illusion complète de la beauté, ou plus généralement l'illusion 2 . »

Il le trouve « difficile », mais au sens de « méritoire » seulement; car au contraire c'est dans ce sens que fonc- tionne immédiatement, spontanément, couramment son esprit.

L'exposé que nous avait fait notre professeur M. Méli- nand de la théorie idéaliste du monde extérieur avait profon- dément frappé Fournier ; mais non pas comme une révéla- tion faite à son intelligence, comme une permission plutôt donnée à tout son être d'apercevoir le monde transparent, et modifiable par nos facultés.

i. Lettre du 22 août 1906.

2. Lettre du 22 janvier 1906. Cf. : « Je n'aurai derrière moi qu'un peu de rêve très doux et très lointain, bien à moi, que je façonnerai comme je voudrai. » Lettre du 13 août 1905.

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