Page:NRF 19.djvu/649

Cette page n’a pas encore été corrigée

En effet, entraîné aussi, il faut le dire, par la lecture effrénée des livres de prix que recevaient ses parents chaque année vers le début de juillet et dont, s’enfermant au grenier avec sa sœur, il consommait l’entière provision avant qu’ils ne tussent distribués, Fournier s’était mis très tôt à imaginer l’inconnu et à le chercher. Comme il était naturel, dans ce plein milieu des terres, devant son horizon immobile, il s’était particulièrement épris de l’océan. Au point qu’il avait décidé vers treize ans de se faire officier de marine. Après un séjour à Paris, au lycée Voltaire, il avait été à Brest pour préparer l’examen du Borda. Mais les mathématiques l’avaient rebuté et, au bout d’un an, laissant, le cœur gros, échapper, comme un infidèle oiseau, son premier rêve d’aventure, il était rentré dans son pays.

Il s’était tourné alors vers les lettres et était venu à Lakanal en faire l’apprentissage.

Il ne les choisissait donc à ce moment que comme un pis-aller. C’est qu’au fond il ne les avait pas encore, non plus que moi d’ailleurs, découvertes. Je date des environs de Noël 1903 la révélation qui nous en fut faite en même temps à l'un et à l’autre. Pour nous remercier du compliment traditionnel que nous lui avions adressé avant le départ en vacances, notre excellent professeur, M. Francisque Vial, à qui mon éternelle reconnaissance soit ici exprimée, nous fit une lecture du Tel qu’en songe d’Henri de Régnier :

J’ai cru voir ma Tristesse — dit-il — et je l’ai vue
— Dit-il plus bas —
Elle était nue,
Assise dans la grotte la plus silencieuse
De mes plus intérieures pensées, . . . etc.

Puis :

En allant vers la ville où l’on chante aux terrasses
Sous les arbres en fleurs comme des bouquets de fiancées...