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CHRONIQUE DRAMATIQUE 6lJ

les siècles. Béthulie est assiégée par l'armée de Nabuchodo- nosor, commandée par Holopherne. C'est la reddition forcée à brève échéance et tous les habitants massacrés par les vain- queurs. Judith veut sortir de la ville, se faire faire prisonnière, pénétrer auprès d'Holopherne, le tuer, quitte à périr elle-même, et privant ainsi l'armée ennemie de son chef, sauver sa patrie et assurer sa gloire à elle.

Nous la retrouvons dans la tente d'Holopherne, suivie de sa servante, toutes deux prisonnières et les mains liées. Le con- quérant est tout de suite séduit par sa beauté, en même temps qu'intrigué par l'intelligence qu'il devine en elle et le mystère qui se dégage de toute sa personne. 11 ordonne qu'on délie ses mains, qu'on l'emmène, qu'on la pare, qu'on la parfume et qu'on la lui ramène. Le débat qui suit alors entre les deux person- nages est d'un extrême intérêt. Holopherne, conquérant féroce et débauché, semble garder dans un coin de son être comme une aspiration à l'amour. Il cherche à séduire Judith, à lui plaire. Celle-ci, de son côté, vaguement troublée, sans refuser ni consentir, s'efforce surtout de ne rien laisser voir de son dessein. Mais Holopherne, l'esprit aiguisé par la résistance de Judith autant que par le souci constant qu'il a de sa sécurité, pénètre ce dessein. Il montre à Judith qu'il sait qu'elle n'est venue que pour le tuer et la condamne à la torture. D'abord écroulée d'angoisse et de terreur, Judith se reprend, se relève et jette tout son mépris et son dégoût à la face d'Holopherne. Le conquérant, subjugué par tant de courage et d'orgueil, déclare alors à Judith qu'elle est libre et qu'elle peut retourner sans crainte à Béthulie. A son tour, séduite, intéressée malgré elle par cette magnanimité dans laquelle elle devine l'amour, Judith déclare qu'elle reste.

Le tableau suivant nous montre Judith dans sa tente, le jour d'une sorte de fête du rut, en usage chez les guerriers d'Holo- pherne. Le conquérant vient la retrouver. Ardent, sensuel, fou d'amour, désespéré d'impatience et d'incertitude, la pressant de questions et de supplications, il l'entend lui dire qu'elle ne l'aime pas et ne peut l'aimer, tout en eux se heurtant et les éloignant, chez lui son réalisme, son désir trop sensuel et bru- tal, chez elle cette poursuite inquiète et indécise d'un bonheur qu'elle sait à peine se définir. En vain, il essaie de la hausser

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