CHRONIQUE DRAMATIQUE 6 1 1
guère que par des gestes. Elle est debout à deux pas de lui et d'une voix émue, et peut-être avec sincérité, elle lui débite, ro- manesquement, toutes les niaiseries élégiaques dont on dit qu'elles sont l'amour, toutes ces faiblesses qu'on célèbre comme des motifs de bonheur. Elle lui jette même cette vérité, paraît- il, que celui qui ne veut pas être esclave n'a jamais aimé, ce qui n'est guère à l'honneur de l'amour. Finalement, comme il fallait s'y attendre, le jeune homme, se défendant de plus en plus faiblement, s'abandonne à ses sentiments, et finit par s'élancer dans les bras de la femme, éperdu d'amour. Juste à ce moment, le père survient. Le manque de nouvelles par le télé- phone l'a inquiété. Il est accompagné du joli garçon si bien entretenu par ses maîtresses. Il voit son fils et la femme enla- cés, juge du travail et de l'écroulement de son œuvre. Il injurie la femme et la chasse. Il cherche ensuite à réconforter son fils, à le remettre à flot, à le tirer de sa défaite. Mais l'autre n'est plus qu'un amoureux ordinaire. Il ain*e sa souffrance, comme on dit. Il ne veut rien entendre. Il ne croit plus rien de ce que dit son père. Il défend la femme contre lui, et gémissant, ardent, il ne cesse de répéter avec délices ce mot qu'on voulait si bien lui faire détester : ma maîtresse ! ma maîtresse ! Le père appelle alors à la rescousse contre son fils le maquereau lui- même. Mais celui-ci s'attendrit, prend le parti du jeune homme et conseille au père de le laisser suivre son amour. Il se révèle ainsi, lui qui est pourtant payé pour savoir ce que valent les femmes, soumis lui-même à leur pouvoir. Cette attitude n'a d'ailleurs rien pour surprendre. Ce personnage, au premier acte, en même temps qu'il explique la nature de ses relations avec les femmes, laisse voir quelques doutes sur la beauté de sa conduite et la met, en s'en blâmant, sur le compte de sa paresse. La valeur morale de son rôle lui échappe. Aucune envergure. Ce n'est qu'un petit maquereau comme on en voit tant. Devant tant de défaillance, le père abandonne la partie, en jetant à l'adresse de son fils, de son mentor inutile et de tous leurs pareils en esclavage ces mots justes dans leur comique : « Moules ! moules ! moules ! »
On comprend, je pense, le sens du titre de la pièce : L'enfant truqué ? Au fond, dans la pensée de l'auteur, le personnage vrai, dans son naturel, c'est celui que nous voyons au dernier acte.
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