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— Non, il ne s’agit pas de cette pénitence ; je vous en prépare une autre, continua avec chaleur Tikhon sans prêter nulle attention au rire et aux remarques de Stavroguine.

— Je connais un vieillard, il n’est pas ici, mais non loin de chez nous. Un ermite, un ascète d’une sagesse chrétienne telle que ni vous, ni moi ne pourrions la concevoir. Il écoutera ma prière ; je lui raconterai toute votre histoire. Allez auprès de lui, soumettez-vous à son autorité pendant cinq ou sept ans, le temps que vous-même jugerez plus tard nécessaire. Imposez-vous cette pénitence et grâce à ce grand sacrifice vous obtiendrez tout ce dont vous avez. soif et ce que vous n’espérez même pas ; car vous ne pouvez même pas concevoir maintenant ce que vous acquerrez.

Stavroguine l’écouta très sérieusement.

— Vous me proposez de prononcer les vœux monastiques dans ce couvent.

— Vous n’avez pas besoin d’entrer au couvent ; il ne faut pas prononcer de vœux ; ne soyez qu’un novice, et en secret ; vous pouvez même continuer à vivre dans le monde.

— Laissez, père Tikhon, interrompit Stavroguine avec une expression de répugnance. Il se leva ; Tikhon aussi.

— Qu’avez-vous, s’écria-t-il tout à coup, fixant presque avec terreur Tikhon. Celui-ci était debout devant lui, les bras tendus en avant ; une convulsion rapide contracta son visage horrifié.

— Qu’avez-vous ? qu’avez-vous ? répétait Stavroguine s’élançant vers lui pour le soutenir. Il lui sembla que le prêtre allait tomber.

— Je vois… je vois clairement, s’écria Tikhon d’une voix pénétrante et qui exprimait une souffrance intense, je vois que jamais, malheureux jeune homme, vous n’avez été aussi près d’un nouveau crime, encore plus atroce que l’autre.

— Calmez-vous, insista Stavroguine très inquiet pour