Page:NRF 19.djvu/567

Cette page n’a pas encore été corrigée

FINALE DE SIEGFRIED ET LE LIMOUSIN 565

« Mon ange, ma lumière, crois à l'été. Rends-moi cette justice que je n'ai pas encore évité une seule fois, si fugitive qu'elle fût, l'occasion de parler du printemps et de l'été. Le jour n'est pas loin d'ailleurs où je ne résis- terai plus qu'à l'hiver. Mais que le bel été de l'an dernier me paraît morne auprès de notre été pluvieux ! J'étais pour- tant dans une auberge qui n'était autre que celle du Petit- Morin et de l'Œuf dur. Ce doux vent, que les Français appellent le faux mistral et les Allemands la vraie tra- montane, retroussait pourtant les lilas débarrassés déjà pour l'année de toute fleur et de toute ambition, pour le reste de l'année purs comme l'herbe. C'était pourtant l'été habituel : au moindre signe de sécheresse l'angoisse en- vahissait le visage des maraîchers, au moindre signe de pluie, celui des cultivateurs. Dans les ajoncs, les peintres s'installaient dos au soleil et tournaient avec lui, comme s'ils s'exerçaient au daguerréotype. Aux abbés en Victoria Dieu parlait par la voix des petits torrents, par le silence des lacs, et par les coucous volants... On se retournait en riant quand une femme justement était parfumée au lilas... Moi je sortais de la rivière le matin, pour vivre nu jus- qu'à midi sur le rivage, pour mettre ma pèlerine l'après- midi, et le soir j'allais en frac aux petits chevaux de Saint-Germain, — histoire de tout homme sans amour en vacances, histoire du vêtement à travers les âges, histoire de l'humanité. Mais je ne te connaissais pas, mon amie. Mes sens étaient pourtant plus aiguisés que jamais. Je voyais la fumée que font les pivoines en écla- tant. Je voyais le clapet inférieur du bec des oiseaux quand ils chantent.... Mais je ne te connaissais pas... C'était pour un autre que les ormes sonnaient sept fois sous le bec des picverts, que onze fois ce que les Français appellent l'oie sauvage et les Allemands le cygne domestique clai- ronnait au-dessus de la diligence... Je ne te connaissais pas... Le soir venait... Les jasmins, qui par leurs efforts de tout le jour étaient parvenus vers le crépuscule à se

�� �