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5^4 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

De ce scepticisme s'expliquent tous ces contraires, que le Français est le seul qui sache faire la cuisine et qu'il est sobre, qu'il est acharné dans le combat et sans rancune, qu'il déteste les étrangers et qu'il est au monde le seul ami des nègres, des races débiles, des parias. (Ici s'ouvrit de droit pour moi le pont de Grenelle.) Telle est la France, paisible, et elle exterminera ceux qui viendront troubler ses couturiers, ses philosophes et ses cuisines...

Si je sais que tu m'aimes ? Je t'écris d'un café du boule- vard Saint-Michel, mon ange. Les garçons servent ma rêverie avec de grandes burettes de grenadine et de kirsch. Je n'aurais qu'à m'étendre, à arracher une lame du parquet pour trouver une source qui a donné son nom au café et qui ruisselle jusqu'au fleuve sans jamais voir le jour. Je n'aurai qu'à me lever, à monter sur la banquette, à trouer la tente pour voir l'étoile polaire veiller sur l'établissement. Il fait noir, on ne soupçonne pas les maisons ; seules appa- raissent, soulevées au-dessus de la ville, les chambres illuminées de ceux qui aiment à Paris. Des remords me viennent du mal que j'ai dit à tort dans ma vie : j'ai dit que les vêtements des civils sont d'affreuse couleur ; je pense ce soir qu'avec un évêque en gala, avec ces hommes de Biarritz qui ont des pantalons rouges, avec quelques-uns de ces vignerons bleus qui sulfatent les vignes... »

Ici s'interrompait la lettre... et je dus m'interrompre. J'ajoutai tout juste une phrase où je ne retirais rien du mal dit par moi des lézards et de leur peau. Mon gardien parcourut la copie, la porta au contrôleur Hofmann, qui me regarda, regarda Lili David m'envoyer un dernier baiser et laissa passer, non sans avoir fait copier mon manuscrit par la petite Kramer, l'ancienne dactylo du cruel Egelhofer. Lili, par retour du courrier, pour amorcer la seconde lettre, m'écrivit :

— Cher petit Heinrich, crois-tu à l'été ? Que penses-tu des Musset ? Que font tes cousins Schombach ? Je répondis :

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