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Il s’approcherait de Nioûta dans l’obscurité, la prendrait par la main et l’embrasserait. Il n’aurait rien à dire puisque tout cela serait compréhensible pour eux sans paroles.

Mais, après le souper, les dames n’allèrent pas au jardin et continuèrent à jouer aux cartes. Elles jouèrent jusqu’à une heure du matin et allèrent ensuite se coucher.

« Comme tout cela est bête ! se disait Volôdia, ennuyé, en se mettant au lit. Mais ça ne fait rien. J’attendrai demain... Demain, j’irai encore sous la tonnelle. Peu importe... »

Il ne tâchait pas de s’endormir ; il restait assis dans son lit, se tenant les genoux, et il pensait.

L’idée de l’examen lui était désagréable. Il décida qu’on le renverrait et qu’il n’y avait à cela rien d’effrayant. Tout, au contraire, serait bien..., même très bien ! Demain, il serait libre comme l’air. Il mettrait des habits civils. Il fumerait sans se cacher. Il reviendrait ici et ferait la cour à Nioûta quand bon lui semblerait. Et il ne serait plus un lycéen, mais un « jeune homme ». Et le reste, ce qui s’appelle carrière, avenir, était si clair !... Volôdia s’engagerait, deviendrait télégraphiste, ou, enfin, entrerait dans une pharmacie, où il s’élèverait jusqu’à l’emploi de premier préparateur. Il ne manque pas de situations ! Une heure passa, deux heures... Il était toujours assis et pensait...

Vers trois heures, quand le jour commençait à poindre, la porte cria doucement et maman entra dans la chambre.

« Tu ne dors pas ? lui demanda-t-elle en bâillant. Dors... Je ne reste qu’une minute... Je viens chercher des gouttes.

— Pourquoi faire ?

— Cette pauvre Lili a des coliques... Dors, mon enfant. Demain, tu as un examen.

Elle prit dans le chiffonnier une fiole, s’approcha de la fenêtre, lut l’ordonnance attachée à la fiole, et sortit.

— Maria Léontièvna, dit, une minute après, une voix féminine, ce ne sont pas les gouttes qu’il fallait.