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toujours attirée vers la haute société, ne comprenait pas son fils, qui, deux fois par semaine, devait l’accompagner à la villa maudite.

Troisièmement, le jeune homme ne parvenait pas à se débarrasser d’un sentiment étrange et désagréable, et tout nouveau pour lui... Il lui semblait qu’il était amoureux d’Anna Fiôdorovna, la cousine de Mme Choumikhine, qui était aussi en visite chez elle.

C’était une remuante, criarde et moqueuse petite dame d’une trentaine d’années, robuste, fraîche, rose, avec des épaules rondes, un menton rond et gras, et qui avait, sur ses lèvres minces, un perpétuel sourire. Elle n’était ni belle, ni jeune ; Volôdia le savait parfaitement. Mais il n’avait pas la force de ne pas penser à elle, de ne pas la regarder, lorsque, jouant au croquet, elle roulait ses épaules rondes et remuait son dos droit, ou lorsque, après avoir beaucoup ri et couru, elle se laissait tomber dans un fauteuil, les yeux demi-clos, et haletait, comme si sa poitrine avait été à l’étroit. Elle était mariée. Son mari, architecte sérieux, venait une fois par semaine à la villa, y dormait tout son saoul et repartait. L’étrange sentiment commença, chez Volôdia, par une haine sans sujet pour cet architecte et il se réjouissait chaque fois qu’il retournait en ville.

Assis sous la tonnelle, pensant à l’examen du lendemain et à sa maman que l’on raillait, Volôdia ressentait un violent désir de voir Nioùta (c’est ainsi que les Choumikhine appelaient Anna Fiôdorovna), d’entendre son rire, le bruissement de sa robe... Ce désir ne ressemblait pas à l’amour pur, poétique, qu’il connaissait par les romans et auquel il rêvait chaque soir en se couchant. Ce désir était étrange, incompréhensible ; Volôdia en avait honte et le redoutait comme quelque chose de très mal et d’impur qu’il est difficile de s’avouer à soi-même...

« Ce n’est pas de l’amour, se disait-il. On ne s’amourache pas de femmes de trente ans, mariées... Ce n’est