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attendre, je publierai certainement... N’essayez pas de me convaincre... Je ne peux pas attendre, je ne peux pas. — Il était hors de lui. — J’ai peur pour vous, dit presque timidement Tikhon.

— Vous avez peur que je n’y résiste pas ? Que je ne puisse supporter leur haine ?

— Non pas seulement leur haine.

— Quoi donc encore ?

— Leur.... rire. Il prononça ces paroles tout bas, comme malgré lui.

Le malheureux n’avait pu se contenir et commença à parler de ce qu’il eût mieux valu taire : il savait bien d’ailleurs qu’il eût mieux valu le taire. Stavroguine se troubla, l’anxiété se refléta sur son visage.

— Je le pressentais. Donc je vous suis apparu comme un personnage comique pendant que vous lisiez mon « document ». Ne vous inquiétez pas, ne vous troublez pas. Je m’y attendais.

Tikhon, en effet, était confus ; il essaya de s’expliquer au plus vite, mais il ne fit que gâter encore plus les choses.

— Pour accomplir de telles actions le calme moral est indispensable ; dans la souffrance même il faut conserver une haute sérénité... Or, de nos jours, la sérénité morale est absente. Partout ce ne sont que discussions et disputes. Les hommes ne se comprennent pas plus entre eux, qu’au temps de la tour de Babel.

— C’est très ennuyeux tout cela ! Je le sais. On l’a répété mille fois déjà, interrompit Stavroguine.

— D’ailleurs, vous n’atteindrez pas votre but, continua Tikhon, passant directement à la question. Juridiquement, vous êtes à peu près inattaquable. C’est ce qu’on vous fera tout d’abord remarquer en vous raillant. Ensuite beaucoup se montreront perplexes : qui comprendra les véritables motifs de votre confession ? On fera exprès de ne pas les comprendre, car on craint ce genre d’exploits ; on l’a