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NOTES 495

influence. Il a déjà été rendu compte ici de F Histoire du Christ, œuvre d'un grand styliste, mais un peu en marge de la littéra- ture, dictée par une conception mystico-romantique et quasi prophétique de l'histoire.

Le Kotturno de d'Annunzio qui, s'il n'est pas destiné à demeurer dans l'œuvre du poète des Laudi une parenthèse, marque un renouvellement partiel de son art et annonce une troisième jeunesse aussi exubérante que les deux premières, n'est pas plus que le livre de Papini touché par le néo-tradi- tionalisme de la Ronda. Le Notturno serait bien plutôt une stylisation de l'impressionnisme et de ce qu'il y eut de meilleur dans le futurisme italien de 1912-1915. Cette esthétique que ses plus chauds partisans d'alors (Papini, Sofhci) estiment périmée, c'est d'elle que d'Annunzio semble avoir voulu s'ins- pirer. Emilie Cecchi, l'esprit le plus libéral du groupe de la Ronda, a montré, avec des exemples à l'appui, que ce genre d'impressionnisme se rencontrait aussi dans les meilleurs modèles du Cinquecento. Mais Emile Deschanel a pu, sous le second Empire, écrire un livre sur le romantisme des classiques. La vérité, c'est que d'Annunzio a délibérément choisi pour son Notturno la technique des impressionnistes, sûr de la marquer de sa griffe puissante et d'écraser par comparaison ses cadets devenus ses modèles. Il a toujours fallu à d'Annunzio des modèles, presque toujours il les a dépassés. Le modèle technique de la Figlia di Jorio par exemple, c'est à n'en pas douter La Lépreuse d'Henri Bataille. De combien l'emporte en lyrisme, en pitto- resque et en beauté formelle la Figlia di Jorio sur la Lépreuse !

Cette technique impressionniste : brefs fragments, phrases courtes juxtaposées et non pas coordonnées, fréquente absence du verbe, etc.. convenait à merveille, il faut le reconnaître et au sujet traité et à la situation matérielle où se trouvait l'artiste. Victime d'un décollement de la rétine lors d'un brusque atter- rissage d'avion, d'Annunzio a écrit son Nocturne étendu sur son lit, la tête bandée, dans l'obscurité (d'où le titre), sur de minces bandes de papier que recueillait au fur et à mesure sa fille Renata, la « Sirenetta ». Sur ces bandes de papier, d'Annunzio a écrit tout ce qui défilait devant son esprit : sa douleur physique d'abord, ses souvenirs de guerre et surtout ses souvenirs d'aviateur, ses souvenirs d'enfance, d'adolescence,

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