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APPROXIMATIONS, par Charles Du Bos (Pion).

Nous retrouvons dans le livre de M. Du Bos des pages sur Baudelaire et sur Amiel qui avaient été naguère très remarquées dans des revues, et qui nous font connaître une conscience critique sincère et originale. Les amateurs de contrastes opposeront par exemple sa méthode et son tempérament à ceux de M. Lasserre, dont les Cinquante ans de pensée française paraissent presque en même temps dans la même collection. M. Lasserre cherche à juger et à classer. M. Du Bos cherche à sympathiser. Il ne paraît guère concevoir la critique que comme le plaisir de pénétrer plus profondément, la plume à la main, l’âme plus encore que le livre des écrivains qu’il aime. Ce qui veut dire qu’il ne prend de la critique que le meilleur : l’art et non le métier. Il se place à un intérieur pour creuser. De là parfois une tension et une obscurité qui sont son élément même et qu’on ne saurait séparer de son sujet, lorsqu’il parle de Valéry, de Proust ou d’Amiel. Il y a en critique deux sortes de mines (celle de M. Du Bos est de la première) : celles qui comportent des galeries, et celles qui, comme à Commentry, s’exploitent à ciel ouvert. Et peut-être la métaphore s’applique-t-elle plus encore aux œuvres dont parle la critique qu’à la critique elle-même. D’écrivains à ciel ouvert il n’en est qu’un qui figure dans la galerie d’Approximations : c’est M. Paul Bourget, dont j’estime hautement l’œuvre critique, mais dont je trouve exagéré de dire que les Essais de psychologie contemporaine sont le « chef-d’œuvre de la critique française depuis Port-Royal ». Je conçois d’ailleurs que la critique tendue, morale, un peu anglaise de M. Du Bos reconnaisse comme un de ses chefs de file l’auteur des Essais de psychologie. On aimerait le voir appliquer, avec cette méthode, qui a ses détours et qui n’est pas pressée, ses éminentes facultés à l’étude attentive et exhaustive d’un écrivain dont il ferait son domaine.

ALBERT THIBAUDET


LES TROIS IMPOSTURES, almanach, par P.-J. Toulet (Éditions du Divan et chez Émile Paul).

Voici donc ce livre au sujet duquel Martineau, qui voulait la présentation parfaite, dut souvent trouver que ses amis le harcelaient