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NOTES 47 I

JEAN DE LA FONTAINE, par André Hallays (Perrin).

Le livre de M. Hallays n'apporte à la figure de La Fontaine aucun trait proprement nouveau, mais nulle trouvaille érudite, nul paradoxe d'interprétation ne vaut, pour rendre à un visage d'écrivain vie et fraîcheur, une certaine manière perspicace et tendre de prendre contact avec son œuvre. En apprenant la mort de La Fontaine, Maucroix écrit dans ses mémoires : « C'était l'âme la plus sincère et la plus candide que j'aie jamais connue ; jamais de déguisement ; je ne sais s'il a jamais menti de sa vie. » M. Hallays ajoute : « Il ne s'est jamais permis que des artifices de pure littérature, comme d'affubler ses maîtresses de noms et de costumes mythologiques. Tout ce qu'il a dit de sa vie, de ses mœurs, de ses ouvrages est la vérité même, — quelquefois cum grano salis pour rendre le propos plus agréable, mais qu'il faudrait avoir le goût grossier pour ne pas sentir la saveur du vrai ! » C'est ce qui permet à M. Hallays, sans rien forcer, sans apologie comme sans cynisme, de nous donner en quelque sorte les confessions de La Fontaine.

En toutes ses faiblesses, jusqu'en celle de la conversion, le bonhomme nous permet de lire en lui avec une candeur extraordinaire. Le Nouveau Testament lui paraît « un fort bon livre », mais il y a un article sur lequel il refuse de se rendre : celui de l'éternité des peines qui ne lui semble pas s'accorder avec la bonté de Dieu. Lorsque l'abbé Puget l'étourdit sous une avalanche de preuves, le malade commence à fléchir, à prendre peur. Une lettre de Maucroix l'avoue naïvement : « O mon cher, mourir n'est rien ; mais songes-tu que je vais compa- raître devant Dieu ? Tu sais comme j'ai vécu... » Le seul acte de sa vie vraiment contraire à son sentiment sincère, c'est sans doute cette abjuration publique que son confesseur lui imposa et où il déclarait : « Il est d'une notoriété qui n'est que trop publique, que j'ai eu le malheur de composer un livre de contes infâmes... On m'a sur cela ouvert les yeux et je conviens que c'est un livre abominable... » Il avait fallu 71 ans et une maladie aiguë pour faire tout à coup abdiquer ce libre et sincère

esprit. JEAN SCHLUMBERGER

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