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crime, la bigamie (puisque j’étais déjà marié), mais je pris la fuite sur le conseil d’une autre jeune fille à laquelle je m’étais presque entièrement confessé. D’ailleurs, ce nouveau crime ne m’aurait nullement délivré de Matriocha. C’est pourquoi je résolus de faire imprimer ces feuillets et de les introduire en Russie au nombre de trois cents exemplaires. Quand le moment arrivera, je les enverrai à la police, aux autorités locales ; je les ferai parvenir en même temps aux rédactions de tous les journaux avec prière de les publier, ainsi qu’à mes nombreuses connaissances à Pétersbourg, dans toute la Russie. Ils paraîtront également en traduction à l’étranger. Je sais qu’il est probable que je ne serai pas inquiété par la justice ou qu’en tout cas je ne le serai que peu sérieusement. Je m’accuse moi-même et n’ai pas d’accusateurs. De plus, il n’y a pas de preuves, ou très peu, en tout cas. Enfin, il y a cette opinion très répandue concernant le dérangement de mon cerveau et il est certain que mes parents feront tous leurs efforts pour profiter de cette opinion et éteindre ainsi toute poursuite judiciaire dangereuse. J’annonce cela, entre autres raisons, afin de prouver que je suis en possession de mon intelligence et que je comprends ma situation. Il y aura pourtant ceux qui sauront tout et qui me regarderont, et je les regarderai aussi. Et plus ils seront, mieux cela vaudra. Est-ce que cela me soulagera ? Je l’ignore. C’est ma dernière ressource. Encore une fois : si l’on cherche bien dans les archives de la police de Pétersbourg, on découvrira peut-être quelque chose. Ces petits bourgeois sont encore à Pétersbourg, peut-être. On se rappellera certainement la maison : elle était bleu pâle. Quant à moi, je ne m’éloignerai pas et, pendant un an ou deux encore, je demeurerai aux Skvoréchniki, propriété de ma mère. Si on l’exige, je me présenterai où il faudra.