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RÉFLEXIONS SUR LA LITTÉRATURE 453

n'a qu'une fonction préparatoire et que le rôle de l'action commence là où celui du dialogue et de l'examen finit.

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Presque en même temps que son livre historique M. Fabre- Luce publie, sous le nom de Jacques Sindral, un livre, la Ville Ephémère, qu'il nomme un roman, et je ne vois nul inconvénient à ce mot : on appelle en effet roman, aujourd'hui, non pas un genre littéraire, mais un niveau de base de tous les genres litté- raires, où il suffit qu'il y ait de la durée et des noms propres. Il ne se passe rien dans ce livre, sinon qu'un jeune diplomate anglais aime une femme, une belle poétesse, la quitte pour une autre, la reprend, peut encore la quitter, etc..

D'un séjour à l'ambassade de Rome, le jeune attaché ne retient que la sensation amère de la vie éphémère, de la ville éphémère. Attaché anglais, mais l'auteur de la Crise des Alliances n'aurait pas écrit ce livre distingué (mettrons-nous sur l'épithète le point d'ironie ?) si sa nature et son éducation ne comportaient ce bilingue franco-anglais, ce lexique sentimental qui manque à la politique, et qui trouve aujourd'hui, dans tout un cercle, de M. Maurois à M. Morand, sa formule littéraire. Non seulement bilingue franco-anglais, mais bilingue français. On ne s'étonnera pas que ce livre de jeunesse décèle des influences marquées : rien de plus curieux que d'y voir celle de M. Gide recoupée par celle M. Giraudoux.

Comme M. Marcel Proust a renouvelé dans l'expression litté- raire le monde des sentiments, M. Giraudoux a renouvelé le monde des images. Depuis trois ans son action sur le style, et sur ce qui, derrière le style, atteint aux profondeurs vivantes, apparaît partout. Même des aînés y viennent. M. Jaloux publiait récemment dans la Revue de Genève un « roman » giraudouisant fort agréable : Y Ami des jeunes Filles. M. de Mic- mandre est aussi touché. Et quand on songe encore à M. Morand, on pourrait presque parler d'une école de la rue François-I cr (dont quelque Pierrefeu nous écrira peut-être le G. O. G.). La Ville Ephémère a dû être écrite sur du papier à en-tête diploma- tique.

Le « roman » est dessiné par un cercle fragile et étroit. Mais

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