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REFLEXIONS SUR LA LITTÉRATURE 45 I

point. Plus tard c'est sur le terrain même de M. Keynes, et en acceptant pleinement les termes anglais en lesquels se posait le problème de la reconstruction économique de l'Europe, qu'on s'est préoccupé d'apporter à ce problème une solution française. Le Celtus de la France à Gênes touchait de plus ou moins près au Comité des Forges. On comptait sur l'influence à l'étranger de cet ouvrage, dont la partie critique était fort remarquable. On a été déçu. D'ailleurs ces pseudonymes ont un aspect de responsabilité limitée, de société anonyme, de raison sociale qui incite à la méfiance et ne convient guère au farr p!a\ du ■combat politique.

Le livre de M. Fabre-Luce et d'autres manifestations analo- gues marqueraient une troisième période : après la méthode de riposte et la méthode de thèse la méthode du dialogue, j'allais dire du dialogue socratique. La reconstruction intellectuelle de l'Europe se fera, comme sa reconstruction économique, par la collaboration. Mais si cette intelligence nouvelle implique une collaboration, la collaboration elle-même doit commencer par l'intelligence : cercle non vicieux mais fécond. Ceux qui, pen- dant quatre ans, se sont résignés de grand cœur à ne pas cher- cher à comprendre, dans la vie militaire où c'était le mot d'ordre, ont pu trouver, et trouvent encore, dans la vie civile, leur plus grand plaisir à comprendre. Mais pour les monomanes du bleu horizon, du khaki, ou du feldgrau, chercher à com- prendre c'est déjà donner à son esprit un cliuainen « défaitiste ». Rien de plus instructif que l'anachronisme de i'éditorial dont je parlais. L'âge de M. Fabre-Luce lui permet au moins de négliger le mot et le reproche de défaitisme comme nous négligeons ceux de jansénisme, de pélagianisme et de médisme. « Le livre que nous venons d'écrire, dit-il, s'adresse aux Français et aux étrangers. Pour avoir quelque influence sur ceux-ci, il doit d'abord entrer dans leur point de vue, par un effort de svmpa- thie. Pour être utile à ceux-là, il doit s'exposera dénoncer des erreurs françaises : les critiques du passé sont des suggestions pour l'avenir. »

Svmpathie avec l'interlocuteur, critique de ses propres erreurs, sentiment d'un profit quand de bonnes raisons nous ont amené à modifier notre point de vue, collaboration dans la recherche du vrai, toute cette dialectique socratique finit par

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