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dans ma chambre). Des choses terribles, me murmura la mère : « J’ai tué Dieu ». Je proposai d’amener un médecin à mes frais, mais elle refusa : « Dieu nous aidera, cela passera de soi-même ; d’ailleurs elle n’est pas couchée tout le temps ; tantôt elle a fait une course dans une boutique. » Je résolus de voir Matriocha seule et comme ma propriétaire avait laissé échapper dans la conversation qu’elle aurait à aller dans le faubourg, je décidai de revenir le soir. Je ne savais d’ailleurs pas au juste pourquoi ni ce que je voulais foire.

Je dînai au restaurant, puis à cinq heures et quart je revins. J’entrais en tout temps grâce à ma clef. Matriocha était seule ; elle était couchée derrière un paravent sur le lit de sa mère et je remarquai qu’elle avançait la tête pour voir, mais elle ne fit semblant de rien. Les fenêtres étaient ouvertes ; l’air était chaud, même brûlant. Je fis quelques pas, puis je m’assis sur le divan. Je me souviens de tout jusqu’à la dernière minute. Je ressentais une grande satisfaction de ne pas parler avec Matriocha et de la faire ainsi languir, je ne sais pas pourquoi. J’attendis une heure entière et tout à coup je l’entendis se lever brusquement derrière le paravent. J’entendis le choc de ses deux pieds sur le plancher, quand elle se leva, puis quelques pas rapides, et elle apparut sur le seuil de ma chambre. J’étais si lâche que j’étais heureux qu’elle fût entrée la première. Oh ! comme tout cela était vil, et comme j’étais humilié ! Elle se tenait debout et me regardait en silence. Depuis le jour où je l’avais vue pour la dernière fois de près, elle avait en effet extrêmement maigri. Son visage était comme desséché et son front était certainement brûlant. Ses yeux, agrandis, me dévisageaient avec une curiosité hébétée, me sembla-t-il d’abord. Je restai assis et la regardai sans bouger. Et de nouveau je ressentis de la haine. Mais bientôt je remarquai que Matriocha n’avait nullement peur de moi et que probablement elle délirait. Mais non ! ce n’était pas non plus du délire. Elle se mit tout à coup