NOTES 3 5 I
n'a-t-il pas protesté contre l'imprudente assimilation du sau- vage vivant de nos jours au véritable primitif, contre la notion d'une évolution unilinéaire de l'humanité, contre le pos- tulat spencérien de Frazer, selon lequel « le plus simple est le premier dans le temps » ? Personne moins que lui ne mécon- naît le caractère provisoire des résultats dès à présent obtenus. Sans aucun doute l'avenir montrera la nécessité de faire des démarcations, d'instituer des groupements parmi ces peuples d'Afrique, d'Amérique, d'Océanie encore considérés en bloc, pour ce seul motif qu'ils sont les plus éloignés de notre civilisa- tion. On découvrira sans doute dans l'idée de non civilisé le pendant de cette chimère, le primitif; car toute existence en société, imposant une « mentalité », impose aussi une « civili- sation ». Les antithèses métaphvsiques de l'homme et de la nature, de la nature et de la civilisation, se trouvent méthodi- quement sapées au profit d'une science comparative des types humains, science qui rejette au terme d'un processus indéfini la détermination de l'« homme » abstrait, mais qui diminuera de siècle en siècle notre ignorance sur cette formidable inconnue : nous-mêmes. La prétendue nécessité d'opposer encore civilisés et non-civilisés tient simplement, croyons-nous, au fait que ces derniers sont des peuples sans histoire ; non qu'ils n'aient point varié dans le temps, ce qui serait inconcevable, mais parce que nous ignorons tout de leur passé. Il faut donc espérer d'un pro- grès historique le renversement de la dernière idole métaphy- sique qui subsiste en notre sociologie. Mais cette « historisa- tion » progressive de notre notion des peuples inférieurs résultera surtout des documents que peuvent fournir sur ces peuples les peuples doués d'une histoire. L'étude critique des civilisations autres que notre culture occidentale jettera quelque jour un pont entre notre connaissance de l'homme « blanc » ou « euro- péen » et notre investigation de l'humanité ce primitive ». Déjà l'histoire des civilisations asiatiques fourmille de matériaux relatifs aux « sauvages », aux « barbares » interposés entre ces grands foyers de culture ; or l'Asie n'a été sans rapports ni avec l'Afrique, ni avec l'Océanie. L'histoire de l'Egypte nous révélera peut-être le secret, ou l'un des secrets, du mystère africain. Indé- pendamment des questions de fait, et si l'on vise la détermination des « structures mentales » à travers les diversités du temps et de
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