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344 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

a guère que le premier tableau, la pension Vauquer, qui soit à peu près réussi, encore que cela ressemble peu à l'intérieur de la pension de famille décrite par Balzac. Un autre tableau repré- sente le bal de l'Opéra. C'est puéril d'exiguïté et de manque de personnel. Il aurait fallu la foule la plus bariolée. Il y a au plus vingt acteurs en scène, dont des figurants, et on sait que ces derniers ne sont nulle part plus gauches, plus lourds et plus vulgaires qu'à la Comédie française. L'interprétation n'est pas brillante. M. de Féraudy, dans le rôle de Vautrin, se dépense beaucoup et fait de son mieux. Mais là encore Balzac manque et l'allure et le ton vrais du personnage. C'est uniquement M. de Féraudy que nous voyons. Il faut voir surtout Mademoiselle Ventura dans le rôle d'Esther Gobseck. Il faut la voir danser, faire l'amoureuse et la courtisane. Je vois jouer cette actrice depuis ses débuts. Elle joue toujours comme une élève du Con- servatoire. Elle n'a jamais eu et n'aura jamais aucun autre talent.

Je croyais bien que les Escholiers étaient morts. Je n'en avais pas entendu parler depuis longtemps. Ils ont donné cet été trois représentations d'une pièce fort intéressante de M. Gabriel Marcel : Le regard neuf. Le sujet est celui-ci : un jeune homme, la guerre terminée, revient dans sa famille. La vie qu'il a menée pendant quelques années, lui a donné de la réflexion, l'a transformé. Il était parti encore un grand enfant. Il revient un jeune homme mûri, observateur, portant sur toutes choses un regard neuf. Il exerce ce regard sur le ménage de ses parents et découvre qu'il n'est pas parfait. Son père n'est pas l'homme heureux qu'il croyait, ni sa mère, par le caractère, l'épouse et la femme modèle qu'il s'imaginait. Il se met en tête de redresser tout cela. En même temps qu'il éprouve plus de tendresse pour son père, il prend un peu d'éloignement pour sa mère. Une amie de la maison aime son père sans le dire. Il découvre cet amour et l'encourage. Le père se dérobe. Il hésite à changer sa vie à l'âge qu'il a, sans fortune personnelle, et habitué à l'aisance que lui a procurée son mariage. Il fait l'aveu de cette faiblesse à son fils. Ces choses mettent un singulier pathétique dans toute la pièce, qui a de plus le mérite de finir d'une manière vraie, je veux dire nullement théâtre. Le troi- sième acte est malheureusement chargé de phrases livresques.

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