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vers la croisée. On apercevait à travers la vitre, détachés sur le ciel bleu, les premiers rameaux verdoyants. Puis, soudain, son regard se dirigea de mon côté et se posa lentement sur moi. Mais ne recueillant aucun consentement, aucune réponse, ce regard repartit. La surprise passée, ce signe de concorde ainsi hasardé m’émut profondément. Je songeai, sans bien savoir pourquoi, au premier coup d’aile de la colombe après les sombres jours du déluge; et j’eus le présage d’un apaisement définitif de toutes choses. Mais soit fierté, soit faiblesse, nous n’osâmes rien l’un envers l’autre ; et plusieurs semaines passèrent sans nouvelle tentative.

Le printemps apporta, cette année, une chaleur prématurée. Les pluies furent rares, et l’air, sous le ciel ardent, fut étouffant.

Dans la solitude où je me trouvais, j’étais particulièrement sensible à cette aridité ; j’éprouvais comme une altération de tout mon être et rêvais d’une source nouvelle qui rafraîchirait ma vie.

Un soir, sur le chemin de la maison, je passai devant l’école St-Xavier. C’était l’heure de la sortie. La température était tiède. Le soleil se couchait derrière quelques nuées. Et soudain, sans un coup de tonnerre, dans l’air entièrement calme, de grosses gouttes de pluie commencèrent à tomber. J’allais m’abriter contre un mur, sous un échafaudage qui était en saillie. Les élèves de S l -Xavier s’éparpillèrent dans la rue. Quelques-uns, des plus jeunes, qui portaient encore l’uniforme de l’école, la courte veste bleue et la casquette ornée d’un ruban de velours, se mirent à courir et, par jeu, levant les bras, criant et riant sous l’ondée bienfaisante, adressèrent des louanges au ciel.

Je les regardai, à l’étroit dans mon coin, et haussai les épaules. Par nature ou en raison d’une éducation un peu puritaine, j’avais toujours tenu la libre expansion de la gaieté, la réjouissance trop éclatante, pour une manifestation choquante et niaise. Et cependant, il y avait tant