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SILBERMANN 325

était mort et il est revenu à la vie ; il était perdu et il est retrouvé.

Et ma mère, avec des mouvements ravissants, fit le geste de me vêtir d'une belle robe et de me passer au doigt un anneau, ainsi qu'il est écrit au retour de l'enfant prodigue.

Au lycée, après le départ de Silbermann, je m'étais replié dans l'isolement auquel m'avait condamné mon amitié pour lui. Par une rancune tenace je restais parmi mes com- pagnons aussi fermé et aussi farouche qu'en face de mes parents. Et puis, est-ce qu'aucun d'eux était capable de remplacer Silbermann ? En voyais-je un seul, même entre ceux qui goûtaient le plus les choses de l'esprit, qui fût animé d'une passion intellectuelle semblable à celle du jeune Israélite ? Quand je pensais à la curiosité qui agitait perpétuellement celui-ci, quand, rappelant nos entretiens, je me remémorais cette qualité brûlante et capiteuse qu'il savait transmettre aux idées abstraites, il n'y avait point d'intelli- gence autour de moi qui ne me parût dénuée et sans force.

Cependant, j'aurais pu renouer facilement quelques camaraderies, car le conflit qui m'avait fait mettre à l'écart était oublié peu à peu. Au dehors, l'activité des partis poli- tiques s'était amortie et la ligue des Français de France avait perdu beaucoup de son importance. A l'intérieur du lycée, l'excitation antisémite avait cessé pour plusieurs raisons. D'abord, les Juifs étaient chaque jour en plus grand nombre et, de ce fait, moins remarqués. Puis, à la suite d'une grave incorrection envers un professeur, Montclar avait été renvoyé. Privés de leur chef, ses compagnons s'étaient cal- més ; La Béchellière avait repris ses manières froides et gourmées, et Robin était retourné à d'inoffensifs plai- sirs.

Je ne pensais plus guère à Robin et ne cherchais pas à me rapprocher de lui.

Un jour, environ le printemps, comme nous étions en classe, je le vis qui rêvait avec une gravité inaccoutumée

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