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284 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

képi et referme la fenêtre. Un chef de batterie passe au galop. « Comment ramener nos pièces ? — Les rendre inutilisables. — Mais comment ? — Enlevez les cu- lasses. — Ils ont des pièces de rechange. — Alors faites sauter. — Les canons sont encore solides. — Alors amenez-les. — Ce serait mieux. — Nom de Dieu, le mieux serait encore que nous ne reculions pas. » Un major s'avance. « Quoi, quoi ! nous reculons ? Qu'est-ce que cela veut dire, reculer ? — Reculer, par- bleu, que l'on abatte sur le champ celui qui emploie ce mot autrement que suivant son sens habituel ! — C'est très bien, que cette stupide course en avant s'arrête. — Il semble que de la cavalerie française et des troupes anglaises se soient glissées entre la première et la deuxième armée.

— Concessions à l'ensemble de la situation. — Encore une fois c'est parfait que ce tohu-bohu délirant de victoire ait cessé et que nous puissions connaître enfin la dureté des temps. — C'est bien comme ça, ce n'est plus une pro- menade vers Paris. — Il semble que nous le devions à une armée qui croyait tout pouvoir faire à elle seule. » Quelques soldats abattent des pommes dans les arbres. Les nuages, bas, rasent la plaine. « Comment rédigeons-nous les ordres ? — D'abord attaquer puis nous retirer encore? Drôle de commandement, diront ceux de la troupe.

— Doit-on demander son avis à chaque soldat séparé- ment ? — Les officiers seuls doivent savoir ce dont il s'agit. — On murmure, on serait devenu nerveux en Orient. — Le plan de campagne du général von Schlieffen ne sera pas tenu. D'abord Paris, puis les Russes. On a l'air de vouloir le retourner : d'abord les Russes et ensuite Paris. — Avez-vous confiance en Moltke ?» — On secoue la tête.

Nous partons à cheval. Les phrases que je viens d'en- tendre tournent dans ma tête, mélangées à mes songes. Une petite pluie fine tombe sur toutes choses. Je reste avec quelques uhlans. Pour attendre les ordres. On emmène

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