Page:NRF 19.djvu/267

Cette page n’a pas encore été corrigée

PAUL VALÉRY, POETE 2o5

chons instinctivement. Le « temple » se reconstruit — de sa personnalité et de la nôtre. Un rythme nous reprend avec toutes les obligations qu'il comporte. Le « saint lan- gage » nous régénère et nous sauve.

��*

  • *

��« Charmes » ! Pour bien lire les poèmes de Valéry, il faut y chercher avant tout des entraves sensibles à la trop grande liberté de l'esprit ; ils ne révèlent toute leur force que si l'on se décide à se laisser « charmer » par eux dans ses incertitudes ; à qui leur confie sa pensée en dérive ils apportent les digues les plus suaves qui se puissent rêver :

Patience, patience Patience dans l'a%ur ! Chaque atome de silence Est la chance d'un fruit mûr ! Viendra l'heureuse surprise : Une colombe, la brise, L'ébranlement le plus doux, Une femme qui s'appuie, Feront tomber cette pluie Où l'on se jette à genoux ! '

Qui ne se sentirait réduit et déterminé dans sa plus secrète contingence intellectuelle par une si parfaite, par une si liante strophe ?

Le grand mystère dune telle poésie est qu'elle parle à peine aux yeux, caresse sans doute l'ouïe, mais cherche surtout l'intelligence comme un sens à émouvoir, et l'at- teint ; c'est sur l'intelligence que portent presque sans aucun intermédiaire ses attouchements ; elle agit sur elle à la façon d'un magnétiseur.

Valéry retrouve, sans les imiter le moins du monde systématiquement, le secret qu'avaient les classiques de

i. Palme, p. 79.

�� �