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CORRESPONDANCE 25$

Si, pourtant, l'on voulait apprécier, d'après la norme de cette raison bizarre, qui jamais ne cesse de s'agiter en nous, et cherche à comprendre et distingue le mieux et le pire, les événements de la politique contemporaine, l'on serait enclin peut-être, non pas à ce limpide optimisme, mais au sombre pessimisme qui naît en l'homme dès qu'il juge. L'on n'aurait point de peine à discerner maintes erreurs, et plusieurs de celles-ci radicales. L'on pressentirait que l'échec de la politique française envers l'Allemagne était inévitable, si l'on ne prenait à son égard que des manœuvres exclusivement propres à surex- citer sa fureur. On verrait plus clairement encore que prise comme nous l'avons prise, l'entente franco-anglaise n'a été qu'un mirage, et qu'après lui avoir consacré beaucoup d'en- cens, tant qu'a duré la guerre, nous avons fini par lui consentir maint sacrifice, et sans profit. Mais ce ne sont là que des vues arbitraires, émanant de la fausse raison qui raisonne.

L'on voit trop ce qui fut perdu, trop peu ce qui fut gagné. Il faut un effort de réflexion pour le comprendre en effet : nous avons gagné du temps pendant lequel nos gens ont peiné, ont commencé de reconstruire ce que la guerre avait détruit, si bien que l'attention générale se détournant de la scène interna- tionale, l'on espère enfin qu'un moment viendra, où l'on pourra sans encombre baisser le rideau sur la comédie. Les peuples auront eux-mêmes aplani la difficulté que l'usage commande aux gouvernants de faire semblant de résoudre.

Nous parlions d'erreurs ; mais celles-ci, vues sous ce jour, ne sont-elles pas des vérités ? Constatation consolante, consta- tation nécessaire ! On croyait avoir entrevu de belles chances, offertes à la politique, aux politiciens français. L'on ressentait quelque amertume à les voir s'évanouir. L'on en souffrait dans la préférence que l'on garde à son pays, et qui subsiste, si peu plaisantes que soient les contrefaçons d'un tel sentiment, ou ses excès. L'on regrettait de voir nos hommes d'Etat se buter partout, partout apparaître comme les plus entêtés à s'aveugler sur les aspirations invincibles d'un monde qui va se transfor- mant toujours. On se demandait si, à la longue, nous ne fini- rions point par être débordés, les peuples après tout ayant besoin de vivre, et les sophismes que nous opposons à l'évi- dence des causes qui paralysent leur activité impatiente, ne pouvant tromper leur faim. Et dominé par ces vues critiques,

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