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242 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

assistons d'abord aux noces de Cécile et de Valérien selon le rite païen, puis à la conversion de l'époux qui touché par la pureté et la vertu de sa femme accepte de renoncer à consommer le mariage. Dans la deuxième partie, Valérien et son frère Tiburce, convoqués au tribunal du préteur pour y répondre d'une infraction aux édits de l'empereur contre les chrétiens, marchent joyeusement au devant du martyre. Cependant Cécile, seule avec son ange, assiste par la pensée aux tourments de son époux, un instant partagée entre les a honteux attache- ments de la chair et du monde » et l'amour divin. Enfin, c'est lafournaise où Cécile subit « un supplice sans tourment », sym- bolisant l'Eté de Dieu qui mûrit les âmes et les purifie avant la mort. L'auteur s'est donc astreint à suivre exactement les Actes, mais il a fait œuvre de dramaturge en prêtant à ses person- nages des sentiments ou des faiblesses communs à tous les hommes. Le conflit n'est pas entre la passion et le devoir, mais entre la nature et la sainteté.

M. Henri Ghéon a du reste pris soin de déclarer que les Trois Miracles de Sainte Cécile sont d'abord une oeuvre de foi, vou- lant marquer par là que son esthétique différait foncièrement de celle qui inspira par exemple le Martyre de Saint Sébastien. Peut-être le souvenir du « mystère » de d'Annunzio n'est-il pas demeuré tout à fait étranger sinon à la conception, du moins à la réalisation scénique de l'œuvre de l'écrivain catholique. Mais il faut surtout retenir l'affirmation de la joie et de la force que procure au dramaturge « l'obéissance à un sujet qui lui est venu du dehors ». Il est vrai que rien n'est plus propre qu'une telle contrainte à favoriser le jaillissement de la sensibilité: au lieu de se répandre au hasard de l'émotion personnelle elle suit le lit creusé par l'histoire, assez large pour contenir le flot le plus impétueux et le plus abondant. On n'a garde d'oublier que Racine, en ses préfaces, se flatte d'observer la vérité historique et s'excuse lorsqu'il a cru devoir prendre avec elle quelques libertés. Les chœurs de Sainte Cécile, où se rencontrent beau- coup de pensées nobles et touchantes et d'images gracieuses, font penser à Esther et par la grâce volontairement un peu fruste de leur poésie à Monchrestien. Des parties de dialogue pleines d'énergie, les stances cornéliennes que l'auteur place volontiers dans la bouche de ses personnages ont souvent une fermeté

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