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NOTES 237

si loin dans la chair et dans l'âme, ni ces gaillardes confidences de Pierre Febvre, le marin, ni nulle de ces révélations successives que sont pour Lucienne la prescience, le désir, la terreur et la gloire de l'amour.

L'amour? Il domine et pénètre tout le livre. L'amour : le plus usé, le plus rebattu des sujets : mais n'y reste-t-il pas à jamais des régions à découvrir ? De même que la « cristallisation » en donna jadis une interprétation qui fut si nouvelle, il semble bien que cette secrète marche suivie par la passion dans le cœur de Lucienne, nous montre des foulées que nous ne connaissions pas. Ces détours nous initient à des rites singuliers. Il semble que nous assistions à l'invasion d'une personne humaine, à la prise de possession de celle-ci par une divine personne qui lui impose son caractère à soi, ses exigences, ses habitudes, son égoïsme. Mais je manque encore du recul nécessaire pour con- naître toutes les idées que l'on peut tirer des données fécondes d'un tel livre.

Ce n'est point à dire que cet ouvrage, si fourni de dessous qu'il soit, présente la moindre obscurité. Romains, au con- traire, a su y répandre la plus extraordinaire évidence. N'importe quel lecteur de ciné-roman peut assister, sans être arrêté nulle part, à ces délicates évocations de sentiments ou d'idées, à ces nuances irisées qui s'emparent tour à tour de l'univers, à ces méditations dont les plans se superposent avec la même sécu- rité que s'il s'agissait de la charpente des plus grossiers événe- ments. La réussite de «métier » est étonnante : et ce n'est point assez que de parler de clarté, le style, bref mais point brisé, ne se borne pas à préciser les événements intimes, il sait encore en garder le frémissement vivant, la poésie. Et j'en reviens à cette impression de certitude que je signalais tout à l'heure : l'explication que reçoit ici le lecteur n'est point affaire de mots, il est introduit dans le déplissement et le développement même des forces.

Or ce livre de Romains n'est pas seulement une œuvre qui, en soi, s'impose à l'attention : il apporte à divers égards cer- taines indications précieuses.

D'abord parce qu'il marque un nouvel élargissement dans la manière de l'auteur de la Vie Unanime. Le jeune poète de jadis qui, dès ses débuts, nous a proposé une si puissante idée du

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