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234 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

le vrai sujet du livre était épuisé. Et c'est une belle invention que ce lien de peur, de honte et d'amour, tendu parla vie entre deux êtres douloureux et touchants. Qu'est-ce que le roman d'aventure, sinon cela ? Mais comme dans tout roman d'aventure le difficile est de finir, sans le secours du mystère, si favorable aux débuts d'un récit. Les cent premières pages de l’Homme traqué sont extrêmement émouvantes et le reste est encore de premier ordre. Le style est net, sobre, dépouillé et retient pourtant tous les reflets de la vie.

Après Rien qu'une Femme on ne pouvait plus craindre que M. Carco demeurât prisonnier d'une formule. Après Y Homme traqué on doit penser qu'il saura toujours briser autour de soi les entraves du succès.

roger allard
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LES DON JUANES, par Marcel Prévost (Renaissance du Livre).

M. Marcel Prévost a créé un mot : demi-vierge. C'est sa plus grande gloire et il a voulu recommencer. Il a forgé, il a lancé Don Juane. Le mot est mal formé ; il a un son rasta, il sent le feuilleton. Une grande œuvre pouvait l'imposer. M. Prévost a écrit un gros livre.

Porter en une femme l'instinct de Don Juan, cette insatis- faction du plaisir de la terre, cette solitude qui ne peut se gué- rir, cette soif de trouver et d'aimer, féconder cette idée, jeter en pleine chair cette magnifique figure, Balzac n'y suffirait pas. Il faudrait Shakespeare.

M. Prévost n'a pas frémi. Nous attendions une Don Juane, il nous en donne quatre : l'une allumeuse par jeu, éternellement vierge par infirmité physique, par impuissance, l'autre vieille Lampito couronnée, entôlée par un beau danseur, la troisième directrice de banque abandonnée par son chef de titres, la qua- trième... La quatrième séduit un jeune homme, mais je ne veux pas dire par quel moyen de mélodrame M. Prévost dénoue cet amour.

Où est Don Juan dans ces quatre vieilles lâchées ? M. Pré- vost avait besoin d'un titre.

M. Prévost évolue. Il perd ses qualités premières, celles qui lui avaient donné tant de Madame Bovarys et de petites filles

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