Page:NRF 19.djvu/232

Cette page n’a pas encore été corrigée

23O LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

ensuite. Il écrit des histoires imaginaires : l'Ordination, les Amorandes aujourd'hui. Faut-il dire des romans ? Livres étranges, de son particulier, et qui portent toute l'incertitude de M. Benda.

La couleur générale, les formes surannées de la phrase, je ne sais quoi de noble, de mélancolique, de plaintif, presque de troubadour, évoquent le premier Empire, Constant écrivant Adolphe, Chateaubriand écrivant René (Chateaubriand très apaisé). Le parfum très doux, un peu passé de Dominique flotte aussi sur ces Amorandes. C'est un livre recueilli et qui ressuscite les musiques de jadis. M. Benda, qu'on a pris souvent comme champion du classicisme,- n'est peut-être qu'un esprit sensible aux charmes du passé. La beauté classique, qu'il aime tant, lui a été lentement révélée par les livres. La cadence de son livre est d'un amant d'hier.

Le sujet est le plus simple, le plus grand de la poésie : un homme aime une femme ; l'ordre social l'arrache à elle. M. Benda reprend ainsi le drame d'Enée abandonnant Didon, de Titus laissant Bérénice. Elevé à l'école classique, il dédaigne l'invention du sujet. Le thème choisi est assez général pour qu'un chef-d'œuvre naisse. Mais général et ban; 1 .! sont presque synonymes. Et si le thème n'est pas reforgé par une flamme neuve, c'est un roman d'Henry Bordeaux qui peut surgir.

Ici, M. Benda hésite. La flamme neuve est-elle en lui ? A-t-il l'ingénuité de cœur nécessaire, la simple spontanéité d'où sor- tent les accents profonds ? Racine reprenait des thèmes éter- nels ; après Euripide il s'attachait à Phèdre, mais lorsque Racine descendait en lui-même, lorsqu'il sentait son cœur, il percevait des élans inconnus. M. Benda craint sans doute de ne pas trouver ces élans et, de même que sur les idées des philo- sophes il subtilise, il réduit son sujet, le particularise, il essaie de remplacer la profondeur par l'étrangeté du sentiment.

L'homme, qui devait être le centre de cette œuvre, perd sa virilité. Il n'est pas le mâle passionné qu'une femme retient par des correspondances intimes. C'est un enfant blond, « un éphèbe blessé », orphelin dès l'enfance, et qui trouve dans une vieille maitresse la mère qu'il a perdue trop tôt. Le thème est donc resserré, particularisé. C'est l'étude d'un cas réel, mais exceptionnel : l'homme-enfant et la maîtresse-mère. Thème

�� �