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L’EXTRA


A Isidore Ducasse.


Si le vent qui descend en vrilie à travers les arbres de Marmor Island, après avoir balayé le duvet que l’enfant de l’aigle abandonne dans l’aire suspendue au rocher branlant qu’escalada jadis, ses os qu’a-t-on fait de ses os blancs, le brave, le vaillant Eugène Demolder, vient hypocritement caresser, le front plissé et l’œil oblique, le gazon qui dévale de la fontaine des Trois-Culs à la maison de Dolorès — quel nom venez-vous de prononcer ? — interrogez-le sur la veuve du calfat, et vous verrez ce qu’il vous répondra. Le gazon, du moins, se souvient. C’est plutôt à lui qu’il faudra adresser votre anxiété qui n’est pas seulement de la gorge, mais aussi de la poitrine, que dis-je, de la poitrine ? de l’esprit. Qu’on me pardonne d’emprunter au langage de la philosophie (lapin rouge et vulgaire) ce mot vague qui désigne avec précision une réalité si élémentaire que le premier damné charretier de ma connaissance ayant essuyé du revers de la manche son nez morveux et puant l’alcool n’aura pas l’idée de la mettre en doute. Vous voyez bien.

J’ai vu dans la me Lepic trois hommes qui ne me parurent pas être des princes déguisés. On leur avait coupé le nez pendant la guerre de 1914-18. Ils n’en avaient pas honte. Le plus jeune tenait dans sa main gauche une fleur de rhubarbe. Eh bien, je suis au regret d’avouer que le gazon de Marmor Island avait honte, lui. Il rougissait