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SILBERMANN 179

famille, on ne m'avait guère enseigné la tendresse. Le gage d'amour que l'on offrait dans les circonstances graves était le sacrifice : et seule l'intervention de la conscience donnait du prix à un acte. Aussi, ayant reculé d'un pas tout en conservant la main de Silbermann, je lui dis solennelle- ment :

— Je te jure, Silbermann, que désormais je ferai pour toi tout ce qui sera en mon pouvoir.

Ce même jour, je passai l'après-midi chez Philippe Robin.

A la fin de la journée, l'oncle de Philippe, Marc Le Hel- lier, se trouva là. Il aimait beaucoup son neveu ; il le traitait en homme et non en écolier, ce qui flattait Phi- lippe. Il lui répétait que rien n'était plus absurde que l'éducation donnée dans les lycées, qu'un assaut d'escrime développait mieux le cerveau qu'aucune étude, et que savoir appliquer un coup de poing au bon endroit était plus utile dans la vie que tout ce que l'on nous enseignait en classe.

Il reprit ce thème en voyant sur la table de Philippe les gros manuels scolaires. Il fit, du revers de la main, le geste de les pousser à terre. Philippe rit aux éclats. Je songeai au mouvement de Silbermann caressant le volume de Ronsard et à la ferveur qui brûlait en lui lorsqu'il récitait une poésie.

— Sais-tu où j'ai été tout à l'heure, Philippe ? dit Marc Le Hellier. Aux Français de France, dont c'était la première assemblée depuis la rentrée. Ah! cela ne marche pas mal, notre ligue. Près de cinq cents adhérents nouveaux en trois mois. Maintenant nous pouvons agir.

Philippe faisait une mine fort intéressée. Son oncle l'avait attiré à soi, lui tâtait les bras, et je voyais que Philippe gon- flait orgueilleusement ses biceps.

— Et d'abord, continua Le Hellier, nous organisons une campagne contre les Juifs, qui sera menée avec soin et

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