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SILBERMANN 1 65

tion en le considérant de près. Son teint était hâlé ; on lui voyait un duvet doré sur les joues ; et quand il riait, des fossettes se creusaient profondément, laissant ensuite de petites lignes sur la peau.

— Hein ! dit-il fièrement, je me suis bien bruni au soleil. C'est à Arcachon où j'ai passé le mois de septembre avec mon oncle Marc, comme je te l'ai écrit. Toute la journée, pêche ou chasse en mer. Quelquefois nous par- tions à quatre heures du matin et nous rentrions à la nuit... Et une chasse pas commode, mon vieux ! des courlis... Il n'y a pas d'oiseaux plus prudents et qui soient plus diffi- ciles à tirer. C'est mon oncle qui me l'a dit. Il n'en a tué que quatre pendant la saison, et pourtant il a tout le temps des prix au Tir aux pigeons.

Je n'avais jamais tenu un fusil. Chasser ne m'attirait nullement. Je connaissais un peu l'oncle de Philippe. C'était un homme d'une trentaine d'années, bien découplé, à grosses moustaches rousses, dont la poignée de main était brutale.

Philippe s'interrompit et me demanda distraitement :

— Et toi ? Tu es rentré hier ?... Tu as passé de bonnes vacances ?

— Oh ! dis-je, j'adore Aiguesbelles. Chaque année je m'y plais davantage.

— Eh ! bien, moi aussi, jamais je ne me suis autant amusé que pendant ces deux mois, surtout à Arcachon.

Il reprit son récit. Il me rapporta l'incident d'une barque échouée, me décrivit des régates à voile auxquelles il avait pris part. Il parlait sans s'occuper de moi et sur un ton fanfaron. J'eus le souvenir d'une grosse déception que j'avais éprouvée, étant enfant, un jour qu'un ami que j'avais été voir avait joué tout seul en ma présence, lançant des balles très haut et les rattrapant. Tandis que Philippe résumait cette vie folle et heureuse où je n'avais eu aucune place, où tout m'était étranger, son visage était devenu rouge de plaisir. Et cela me fut si désagréable, cette bouffée

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