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NOTES 123

casion où Marguerite Jamois fut si charmante qu'on oublia le théâtre et ses mensonges pour ne plus voir que ce jeune et pale visage où la douleur mettait un pied de rouge. Les spectateurs sortaient de la salle, à la porte, une ouvreuse distribuait les billets qui permettraient d'y rentrer. Elle semblait émue et pleurait presque. Soudain, elle s'appro- cha d'un monsieur qu'elle regardait avec une attention res- pectueuse, depuis quelques instants déjà, et lui prenant les mains :

— Oh ! Monsieur, comme vous m'avez fait pleurer ! mon- sieur Mérimée !

— Vous vous trompez, madame, dit le monsieur surpris, et se tournant vers son compagnon qui souriait, il le montra du doigt, monsieur Mérimée, c'est monsieur.

Puis, Max Jacob, l'auteur supposé de L'Occasion et Jean Paulhan, saluant son admiratrice par erreur, — « car c'étaient eux », comme on écrit dans les romans policiers, reprirent place dans la salle où le rideau se levait sur Chantage.

��On m'a cité le mot d'un aimable marchand de tableaux, qui touchait de la main le cœur de pierre d'une statue qu'il croyait ancienne et disait :

— Le froid des siècles !

Le mot est joli mais, au hasard de la pensée, il m'a conduit à de bien tristes réflexions. Que le froid des siècles passés nous gèle, passe encore, mais la chaleur de celui où l'on vit ne devrait-elle pas être douce ? Il est vrai qu'un siècle veut toujours imiter le siècle précédent. Comment il n'y réussit pas, c'est sa particularité, sa marque originale. La grande mélancolie romantique qui désolait Wertber, René, Obermann, est aujourd'hui remplacée par un découragement qui atteint profondément la jeunesse et surtout celle de qui l'on pou- vait attendre le plus. On ne se demande plus « Pourquoi ? » On se dit « A quoi bon ? » L'ironie supplée au doute. Au- jourd'hui l'inquiétude de la jeunesse ne prend plus guère la forme philosophique (Dieu existe-t-il ? C'est son affaire et non la nôtre) mais nous n'avons pas encore dissipé l'héri-

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